Black on Maroon 1958 by Mark Rothko 1903-1970

à nos désirs enfouis
à nos désirs avortés
à nos désirs timides
à nos désirs enfuis
à nos désirs éternellement renaissants
à nos rencontres fugitives, à nos rencontres négligées, à nos rencontres rétrospectives
à nos fraternités vagues
à nos douces fraternités tues
à nos fraternités fulgurantes
à nos fraternités repoussées
à nos douloureuses fraternités inutiles
à nos complaisants regrets

à nos idéaux trahis, à nos idéaux dévitalisés par les phraseurs, à nos idéaux dévoyés par le bruit du monde, à nos idéaux oubliés

à nos rages impuissantes
à nos rages pleines de renoncements
à nos lâchetés
à notre sagesse résignée, à notre sagesse apprise, à notre sagesse conquise, à notre sagesse mortelle
à nos sourires d’accueil
à nos intempestifs sourires surprises
à nos sourires toisants
à nos sourires d’adieu
à nos sourires digestifs

à vous qui ne nous avez pas vus, à vous les insistants en trop grande attention, à vous les obsédants, à vous les légers émerveilleurs de passage, à vous qui étiez dans un coin à l’arrière et prenez toute la place dans le souvenir

à nos perdus de vue
à nos souvenirs s’effaçant
aux voix oubliées
à nos souvenirs intrigants
à nos erreurs

à vous les morts, à vous qui en devenez importants, à vous les aimés, à vous dont on ne peut admettre croire réaliser le plus jamais, à vous nos morts compagnons, à nos conversations sans réponse certaine

à vous que nous avons totalement oubliés.

Texte : Brigitte Celerier 
reprise de son blog ‘Paumée’ du 19 février 2015
Image : « Black on Maroon», 1958/59 , huile sur toile de Mark Rothko