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pour les cosaques vase crétois

Ce serait à Athènes, un jour gris de septembre, la vieille du retour, entrer dans le Musée archéologique, aux mortes et rigides colonnes germaniques, au fond d’un jardin, ce serait monter au premier étage, vers la céramique, les vases, ma délectation

Ce serait là en pénétrant dans les temps mycéniens, juste avant que les décors, après avoir perdu la couleur, deviennent géométriques, les vases crétois, les poulpes et cette grosse bulle de terre beige légèrement rosée enserrée par les brunes tentacules, la grâce étudiée de leurs jeux soulignés par les blanches ventouses, comme par une ganse.

Ce serait rester là les yeux dans les yeux qui s’ouvrent dans un petit cercle au milieu de la panse, ce serait leur sourire

Ce serait vouloir rêver que nous sommes face à face dans la fraîcheur de la mer, ce serait l’intelligence cachée derrière ce regard, ce serait mon sourire comme un cadeau de diplomate.

Ce serait la clarté de l’eau, son vert transparent sur le fond de sable, la douceur bleutée que prendraient les bras de l’animal.

Ce serait mon attirance et ma prudence instinctive.

Ce serait un peu plus loin les pierres brunes d’une jetée, et au dessus de tout le ciel bleu profond du mitan du jour.

Ce serait la plage, mon couffin, un livre, des tomates… mais je resterais là et si elle ne m’avait pas quittée, sans même un salut, je serais restée là, dans le bonheur d’être une petite partie de cette mer que n’aurais jamais voulu quitter.

La mer nôtre, qui recèle parmi ses îles celle où je suis née, la mer nôtre celle qui coulait dans les veines de mon père, qu’il a promenée, muette, sur toutes les mers, tous les océans.

Texte : Brigitte Celerier