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pour les cosaques 16 dessin Seurat

Ce serait un homme vieillissant, comme le laisse penser ce crâne qui émerge, en grisaille ombrée, de l’entrelacs des fins traits de crayon qui se resserre, s’intensifie pour que l’on devine les yeux penchés sur la main, la cuillère posée dans la nourriture, stoppée par une rêverie ou la fixité du dessin.

Ce serait l’oreille niée, la bouche noyée, dont on ne devine pas l’expression.

Ce serait hésiter entre la première impression d’une présence imposante, d’une gloutonnerie concentrée, et la sensation d’un flottement, d’une indécision, d’un esprit en allé.

Ce serait cette douceur ronde, ce corps envahissant et imprécis.

Ce serait la courbe noire des épaules, répondant au noir de la bouteille ancrant l’image.

Ce serait ces épaules courbées, le buste massif penché vers la table, l’assiette.

Ce serait la présence de la grande tache blanche de la serviette, s’affirmant sur la dentelle noire du dessin, qui ramènerait aux petits bourgeois installés devant cette tâche importante, ce droit de l’homme installé, se nourrir.

Ce serait une solitude taiseuse, quelles que soient les éventuelles présences autour de la table ou dans la salle.

Ce serait le goût que j’ai pour les dessins de Seurat.

Ce serait, dit la légende du catalogue de l’ancienne, grande, belle exposition Seurat au Grand-Palais, le dîneur, un dessin de 1883 ou 1884, acheté par Signac qui y aurait reconnu le père du peintre, notant dans une lettre le bras artificiel qui se fait oublier, perdu hors cadre sous l’ébauche d’épaule descendant, s’écroulant dans la grisaille, à la droite de l’oeuvre.

Texte : Brigitte Celerier
Image:
Reproduction d’un dessin de Seurat
Catalogue de l’exposition au Grand Palais de 1991
Edition des Musées Nationaux