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11dec Algues écolo

À l’économat de la nuit, je remets mes mémoires électriques. Mes cheveux se dressent au fouet sec. Ils forment sur mon crâne les algues mouvantes de l’insomnie. J’abrite un nuage vulcain, lune maudite des affaires du noir.

Le cyclope veille au cratère et ma cendre reprend feu.

Disette du rêve. Me voici, forçat, privée d’irréel naviguant dans les étendues banalisées de ma pensée. J’écoute le souci, le murmure des inquiétudes, les réclamations de l’ordinaire

Il y a longtemps je connaissais des poèmes qu’on ne pouvait prononcer qu’avec la main au sexe de l’ange. Désormais je lis un doigt sur la tempe, dans la pacotille d’une mort folle.

À l’économat j’essaie de contenter mes gencives de petits mots sans saignement. Je déplore.

Ma vie n’a jamais été qu’un parc de poissons sans venin, domestiques, ancillaires. En faire les rivières, un pied un pied, un pied et les bras ouverts, ne risquer qu’un empalement de rapides et une hanche démise.

Nous aurait-il pu exister ou alors suis –je trop loin percée pour qu’un son me revienne ? Crie-nous ! J’attends, ce vol chauve des buveurs de Chiroubles.

Texte: Anna Jouy
Photo: Algues écolo, AFP PHOTO/ALAIN JOCARD