petite plume

Petite plume danse dans le rai de lumière d’une fenêtre de mon enfance. Elle prend son temps et le soleil avant de se poser. Elle tournoie comme Sissi pas encore impératrice dans les bras d’une valse. Vestige d’un battement d’aile lointain déjà. Le disque de la Valse de l’empereur tourne sur le tourne-disque Teppaz de mes parents. Elle monte le volume. Plus fort et plus vite. Tout de suite. La vie lui promet une belle danse.

Petite fille tournoie sur le parquet ciré du salon de ma mémoire. Elle danse un rêve qui au départ ne lui appartient pas. Le rêve des valses de Vienne de sa mère. Enlacée par la musique, elle tourne, tourne, tourne comme un derviche, ivre d’ivresse. Vertige de ce cœur qui tourne encore quand le reste du corps s’est immobilisé. Le disque s’est arrêté. Elle le rejoue encore une fois.

Petite pluie grise grisée par la joie de cette fillette qui court. Elle fait tournoyer son sac qui contient chaussons, collants et justaucorps. C’est son premier cours de pointe et elle est en retard. Folle de joie elle ne voit pas la grosse pierre sur le trottoir. Pas de bobo. Elle se relève très vite. Malheur, ses pointes satinées de rose sont maculées de boue. Elle pleure. Elle rentre à la maison. Chez elle, pour la première fois, elle danse sans musique dehors. Juste une musique très triste en elle. Elle ne sait pas encore que les pointes seront le calvaire de ses pieds.

Petits pieds martyrisés pendant les années de danse classique. Elle les affranchit des chaussons bien des années plus tard. Avec la danse africaine, les pieds nus s’ancrent dans le sol, le martèlent et lui donnent l’élan et la force de se libérer de tout ce qu’elle a appris. La danse contemporaine lui apprend à écrire sa propre partition. Elle grandit en dansant. D’autres danses l’appellent, elles les danse toutes. Un jour, elle trouve une plume et découvre qu’en la trempant dans l’encre violette, on peut danser assise et faire de jolies arabesques.

Petite plume tournoie encore aujourd’hui. Corps alourdi d’ans danse encore sur les Rita Mitsouko. Elle aère la chambre, fait le ménage dans les souvenirs. C’est elle la sauterelle, la sirène en mal d’amour. De l’oreiller, une petite plume d’oiselle blanche s’échappe. Danse dans le rai de lumière.

Texte et photo : Christine Zottele