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~ refuge pour les dépaysés

Les Cosaques des Frontières

Archives de Catégorie: Sabine Huynh

Nolwenn EUZEN, ‘Cours ton calibre’, éditions QazaQ, 2016 (avec une postface de Jean-Louis Giovannoni

17 dimanche Avr 2016

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Sabine Huynh

Couv Cours ton calibre

Cours ton calibre, c’est une écriture « sous contrainte » (mots de Nolwenn Euzen), c’est de la poésie donc, et pas n’importe laquelle, puisqu’elle se révèle exigeante, inattendue, et quelque peu sibylline, ce qui n’est pas forcément un défaut.

On sent la contrainte mentale pétrir la langue et la renouveler en la roulant contre la poésie telle qu’on croit la connaître. On y sent aussi le plaisir d’écrire – de plier, de déplier, de coller, de construire et déconstruire – et le brin d’auto-dérision qui fait dire à Nolwenn Euzen des choses comme « on réclame une place pour la passivité », et qui lui fait tordre le cou à la langue çà et là : une revendication du droit de descendre du train en marche, de rester impassible, distincte et droite, au milieu d’une foule agitée, ce qui revient à aller à contre-courant, mais sans dépenser d’énergie autre – énergie énorme ! – que celle demandée par une réflexion profonde, qui « court » sans arrêt, sans avoir peur de buter, et, paradoxalement, sans précipitation, et vers la contrainte !

C’est effarant, n’est-ce pas ? Oui, Cours ton calibre est un texte « sous contrainte » qui est contraire aux règles établies, donc outrageusement libre. Il semblerait même qu’à un moment donné, on ait eu affaire à trop de liberté ici, à une mer sans balises, et qu’elle a été à la fois désirée, chérie et crainte, par crainte du relâchement, dans l’écriture s’entend, car il ne s’agit au fond que d’écriture dans Cours ton calibre : de l’objet contenu dans son diamètre, de sa forme, de ses dimensions, de sa valeur aussi. La liberté atteinte, effrayante, a semble-t-il constitué un poids : un souvenir d’immersion et de dilution transparaît dans l’emploi du « on » dans le texte, une façon de montrer que quelque chose nous efface, nous neutralise, qu’on s’est égarée dans ce no man’s land de la distance entre soi et soi (le projeté et le recherché) – quel est son calibre ?

La contrainte devient alors une bouée de sauvetage gonflée qui tire l’être et la parole vers l’intensité intellectuelle qui les ranimera. Mais pour lui être totalement attentive, il faut se soustraire aux vicissitudes de la vie (« Le monde est moins urgent »), obstacles à l’écriture, et s’engager sur des échelles qui mènent toujours plus haut, vers un air plus pur, qui grise l’imagination, et invite à aller chercher beaucoup plus loin ses mots, aussi loin que dans l’abstraction et l’invention – le texte pulse de néologismes qui attirent notre attention sur la singularité d’une langue qui prend définitivement de la vitesse.

 Extraits :

  • on a jamais demandé la lune on niche une sémantique de proximité pas vraiment apte est-il précisé de quoi il est question ce qui était inapproprié le bord de nos houles
  • on se dépense sans compter pour trôner en soi-même on ne rentre pas systématiquement dans nos bonnes grâces moulé dans une copie on ne force pas pour se comprendre on se cueille refoulé de son mou à force de le rendre plat
  • on tient mieux dans le portrait en petit calibre qu’en poids lourd mais on en éprouve pas la même satisfaction parfois on se peaufine la finesse du phasme mais je s’entrouble
  • Ce livre est disponible dans un format numérique aux éditions QazaQ. Merci à Jan Doets pour ces toutes jeunes éditions au catalogue déjà impressionnant.

 

Texte: Sabine Huynh,  Terre à Ciel

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Nodules de mots tu(é)s

02 jeudi Juil 2015

Posted by lecuratordecontes in Sabine Huynh

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Sabine Huynh

Nodules

Dans la ville il y a une maison
Dans la maison il y a un jardin
Dans le jardin il y a un chien
Dans le chien il y a un cœur
Dans son cœur il y a l’amour
D’une petite fille qui se tait

Dans la maison il y a une chambre
Dans la chambre il y a un lit
Dans le lit il y a un oreiller
Dans l’oreiller il y a le carnet
D’une petite fille qui se tait

Dans le jardin il y a des fleurs
Dans les fleurs il y a des abeilles
Dans les abeilles il y a les paroles
D’une petite fille qui se tait

Dans la petite fille il y a la ville
La maison le jardin le chien les fleurs
La chambre les mots
D’une petite fille qui se tait

Dans la ville il y a un appartement
Dans l’appartement il y a un bureau
Dans le bureau il y a une femme
Dans la femme il y a une petite fille
Une petite fille qui se tait
Dans sa bouche bourdonnent les abeilles
Elles piquent ses joues
Elles font des nœuds avec les non-dits
Dans la femme il y a des nodules de mots tu(é)s
Des boules de feu qui font voler en éclats
Les vitres des fenêtres toujours fermées
De la maison muette

Son regard se détourna en croisant la seringue de métal sur le plateau, parmi la douzaine d’instruments étincelants. Cela ne ferait pas plus mal qu’un dard, n’est-ce pas ? Un dard de frelon fiché dans la joue. Le chirurgien dit en riant qu’il était temps qu’elle arrête de se ronger de l’intérieur. Sans comprendre, elle rit avec lui. Puis tout se passa très vite, compresses fourrées dans la bouche, piqûre d’abeille, triturations, tube de succion – ces assonnances et ces allitérations : on se croirait presque dans un poème.

Elle entendit « scalpel », elle entendit « tu vois le muscle là, tu dois couper juste au-dessus, mais quand même bien à la base, il faut partir de la base », et elle opina dans sa tête : c’est toujours de la base que ça provient, de ce corps-là, et ce sur quoi il repose, l’origine, cette inconnue, l’origine de l’écriture. Elle imagina l’adjoint du chirurgien ratant son coup et lui sectionnant un ou plusieurs muscles, ceux de l’élocution, de l’expression faciale, du sourire.

Elle entendit « ça saigne profusément, je ne vois plus ce que je fais, succion s’il te plaît ». Elle frémit en se souvenant des longs couloirs gris et vides de l’Hôtel-Dieu, cet hôpital lyonnais où, à l’âge de six ou sept ans, son père l’avait amenée pour qu’on lui enlève une boule dans le palais. Elle ne se souvient pas avoir crié, mais elle sait qu’elle l’a fait, parce que le chirurgien, le visage suant de colère, lui avait soufflé, comme on envoie un soufflet sur la joue, « mais tu vas arrêter de hurler et de pleurer à la fin ? » Elle se débattait aussi, il avait fallu la sangler, puis l’endormir à l’éther.

Ensuite – était-ce le jour-même ou le lendemain ? – son père l’avait conduite au supermarché de la ville de banlieue où ils vivaient, pour lui acheter un cadeau. Il lui dit qu’elle pouvait choisir n’importe quel jouet du rayon. Elle, qui d’habitude avait toujours pour consigne de ne prendre que « le plus petit le moins cher parce que tu as trois petits frères », embarrassée, ne sut pas. Il prit pour elle un véhicule pour enfants, et elle traversa le supermarché en le chevauchant timidement, avant d’en passer les portes coulissantes. Un camion avec une remorque ? Une locomotive avec des wagons ? Impossible de s’en souvenir, même si la couleur éclaire l’absence : jaune d’œuf.

Le chirurgien lui demanda si ça allait, lui dit que ça irait, qu’il ne fallait pas qu’elle s’inquiète à cause de la biopsie. Elle répondit que ce n’était pas la biopsie qui l’angoissait, mais juste quelques mauvais souvenirs d’une chirurgie buccale subie quand elle était enfant, et peut-être une autre aussi, en Angleterre, à l’âge adulte, mais celle-là, elle ne s’en rappelle pas du tout, on lui a raconté. L’infirmière lui conseilla de décroiser les jambes, de desserrer ses mains, de respirer normalement, « n’oubliez pas de respirer, mais gardez les dents bien serrées, n’ouvrez surtout pas la bouche ». Continuer à la fermer, roulée en boule. Qu’y avait-il à dire de toute façon ?

À cette question, elle découvre ce qu’ont refoulé ces boules qui ont poussé dans sa bouche cousue, sous son palais et à l’intérieur de sa joue : les creux et les pleins d’autrefois, qui entravent la parole. La joue n’est-elle pas considérée comme révélatrice des troubles intérieurs ? Intérieures et antérieures, ces histoires qui explosaient dans la famille, ce passé charrié d’une génération à l’autre, puis balayé sous le tapis de peau de son visage rouge de gifles et nu de baisers. Nodules de mots tu(é)s qui pulsent comme des cœurs en désaccord, taches en relief, fanaux fatigués, se nourrissant de dureté sous la joue pourtant douce, encore, si vous saviez.

Joue c’est jouer aussi, ou pas assez, ou jamais, et aujourd’hui ces boules pour rien, qui ne roulent ni ne rebondissent, ces nœuds où la parole s’échoue, s’étrangle, et qu’il lui arrive de mordre quelquefois, exprès, ou pas. Quand ils recousirent ses pensées, elle craignit que le fil ne fût noir. Il était blanc. Le sang le maquillerait peut-être. Quelle différence cela faisait après tout ? Puisqu’il tomberait au bout de quelques semaines, le fil de ses pensées, dont les nœuds sont faits.

Tomber hors d’un trou ou dans un trou, ne rien pouvoir en dire, ressasser ce non-dit jusqu’à sa matérialisation tumorale, se faire enlever un morceau de joue, et avec un peu de chance, se retrouver avec une cicatrice en forme d’étoile ou de cristal de glace, qui scintillerait en secret dans la nuit blessée de la bouche contrainte au désert. « Mais le plus beau dans mon terrier c’est son silence, bien sûr il est trompeur » (Kafka). Attendre lèvres ouvertes que tout cela donne les phrases dont on a besoin pour vivre.

Texte et image : Sabine Huynh, Tel Aviv, 30/06/2015

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Je résisterai

24 mardi Mar 2015

Posted by lecuratordecontes in Sabine Huynh

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Sabine Huynh

Je résisterai

Note : À l’adolescence, Sabine Huynh s’est retrouvée à la rue, après le divorce de ses parents. Aujourd’hui écrivain, elle évoque pour la première fois cette facette de sa vie dans un texte qu’elle a écrit pour soutenir le travail du photographe Marc Melki, qui s’attache à sensibiliser l’opinion publique sur le sort des sans-abris.

À Paris depuis presque une semaine pour le travail, je prends le métro tous les jours et je constate avec désolation que cette ville au ciel gris et ses lieux publics sont dépourvus de bancs où l’on pourrait s’allonger pour dormir. Je vis à Tel Aviv, une ville où l’on trouve des bancs et des sièges à tous les coins de rue, une ville où des bancs larges, longs, assez confortables, propres, souvent repeints, jalonnent les boulevards, offrant à quiconque en éprouve le besoin un moment, un lieu, de repos, décent. L’on peut aussi dormir sur la plage.

À Paris, le choc. Je ne vois pas de bancs dehors, ils semblent rares dans les jardins publics, et sur les quais du métro, s’il y en a, ils ne sont faits que de trois lattes étroites bien disjointes, l’ensemble d’une largeur à peu près équivalente à la longueur de mon iPad (25 cm. ?), avec la latte centrale surélevée de façon à empêcher tout corps de s’y allonger. Même s’y asseoir est inconfortable au possible. Si la banquette est en béton, on aura pris soin d’y coller, tous les 40 cm. environ, des carrés surélevés, empêchant ainsi de s’y coucher. Sinon, l’on dispose juste d’une barre en métal, inclinée si elle est plate, ersatz nu et froid où coller ses fesses.  Mais d’habitude, c’est à une série de sièges individuels qu’on est confronté, à l’assise trop étroite, ou trop incurvée, encore une fois pour interdire l’allongement du corps en travers, sur plusieurs sièges, ou pour faire du repos une torture.

Pourquoi tant de haine envers les personnes qui dorment dehors parce qu’elles n’ont pas le choix ? Pourquoi cette absence totale de compassion ? Ce mépris du pauvre ?

L’autre jour, dans le métro, deux musiciens à l’air triste ont joué des airs enjoués au saxophone, du jazz américain. Lorsqu’ils ont quitté la rame, un garçon âgé d’environ dix ou onze ans s’est tourné vers sa mère et lui a dit : « Ah, enfin, les musiciens sales sont partis, on va avoir plus de place. » La mère a vu mon regard noir sur son fils. Elle lui a chuchoté mollement que c’était bien, la musique, pourquoi tu dis ça.

Hier, une jeune femme a traversé la rame avec un bébé mal vêtu accroché à son sein. Elle demandait des pièces pour manger, d’une voix douce et claire. Ses yeux souriaient sans cesse à son enfant. Les passagers la toisaient avec dégoût, puis s’échangeaient des rictus de connivence, ou bien ils gardaient les yeux rivés au sol. Les miens ont suivi la peau de ce sein offert, une peau de lait légèrement boutonneuse, salie à la fois par la crasse des mains qui l’agrippaient et par les regards qui le violaient. Bien que mécréante, j’ai prié mentalement pour que la force de vie de cette jeune mère perdure.

Dans son roman Feu pour feu, Carole Zalberg écrit : « Je ne me coucherai pas sur le goudron luisant de pluie. Je résisterai à l’idée pourtant soudain envoûtante de l’abandon » (Feu pour Feu, Actes Sud, 2014, p. 61).

Ces deux phrases m’ont frappée par leur justesse, car je sais bien qu’avant le moment où, trop faible, trop fatiguée, l’on consent enfin à laisser son corps s’affaisser dans une cabine téléphonique, sur un banc humide, ou sous un banc, sur le gravier constellé de mégots, ou encore sur le béton froid d’une cave d’immeuble ou d’un local à poubelles — mais où appuyer la tête, si fragile, où poser la joue, où ? Sur la main ? Sur l’avant-bras ? Et sentir sous sa paume les aspérités du sol, la poussière, les débris… C’est la paume ou la joue — on lutte, on s’oppose de tout son être à cette chute, à cette violence faite au corps qui, on le sait déjà inconsciemment, portera toujours en lui l’infâmie de cette dégradation. Les yeux resteront à jamais voilés des toiles d’araignée qu’ils ont regardées de trop près, pendant trop longtemps, les poumons étouffés par ces souvenirs gluants, par les odeurs, les oreilles resteront toujours à l’affût. Que peut faire une personne allongée par terre, immobile, sans défense, sinon enregistrer les moindres sons, sursauter au moindre bruit, trembler de peur et d’espoir emmêlés, accrochée à l’imminence d’un nouveau renversement ?

Parfois une odeur corporelle — celle d’un(e) autre qui vous ramène à la vôtre, ancienne, enfouie — vous chavire les sens et vous replonge dans ces moments subis qui vous dégoûtent de vous-même. Vous êtes obligée de marcher vite pour arrêter le tangage, de courir même, fuir, laisser le vent vous crucifier de part en part, pour ne plus rien ressentir de ce qui vous assommait, vous tétanisait, vous dérobait ce qu’il vous restait d’identité et de dignité.

Ne croyez pas, ne croyez jamais, qu’un homme à terre l’a voulu, ne laissez pas de telles pensées le fouler, le blesser encore plus qu’il ne l’est déjà dans sa chair et dans sa tête. Un homme, une femme, un enfant, au ras du sol, ont résisté jusqu’à la cassure avant de sombrer. Et même s’ils parviennent à s’extirper du gouffre, à vivre mieux, dedans le cassé déhanchera toujours leur vie, toujours. Quoi que puissent en dire les rêveurs, quoi que puissent en « montrer » les artistes qui créent l’illusion d’une liberté de choix, de la jouissance de jours sans entraves ni contraintes.

La rue est une prison. Il n’y a ni poésie ni espoir dans la rue qu’on subit.

Me sachant à Paris, Marc Melki m’a demandé de poser pour la série de photographies « Exils Intra Muros ». J’ai refusé, n’ayant pu envisager de faire semblant de dormir dans la rue, alors que je l’avais déjà vécu. Cela ne m’empêche pas d’admirer son travail. Qu’il en soit remercié par ce texte, que je confie aux Cosaques des frontières, un refuge pour les dépaysés, pour les sans-pays, les sans-abris.

Sabine Huynh
(Paris, 23 mars 2015.)
Photo (agrandissable par cliquer) : Marc Melki
Exils Intra Muros:
http://exils-intramuros.org/
Diaporama
: http://www.marcmelki.com/diaporama.php?id_reportage=14309

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C’est un monde

10 samedi Jan 2015

Posted by lecuratordecontes in Sabine Huynh

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Sabine Huynh

C'est un monde

Ma fille a toussé toute la nuit
ce matin m’a dit avoir rêvé
d’un éléphant s’empifrant de plumes.
Combien de temps encore
vais-je pouvoir lui faire croire
que ce monde est merveilleux ?
Et pourtant avec elle il l’est.

La bouche sculptée au couteau
de la poète Yona Wallach
soulignée de rouge
a dit avoir écrit tous les mots
les siens, ceux qui restaient
ceux qu’on avait effacés
ceux à venir, tous les mots
et Yona est morte les yeux ouverts
sur un monde aussi altéré qu’elle.
Fictions, fictions, personnelles
historiques, masques d’échaffaudages
sur la face du monde malade.

Elle est morte le corps compressé
par la douleur, avec le souvenir de ceux
pressés sur le sien, des hommes
qui l’ont aimée, morte
à quarante-et-un an à l’apogée
de son art que l’on savait déjà
abouti alors qu’elle n’avait
que dix-neuf ans. Quelle question
de vie et de mort que la tâche
à laquelle nous nous attelons
lentement chaque jour face au monde
tentant d’en dépasser les crabes.

Je jette une écharpe de feu à la poubelle
j’enroule une écharpe noire et blanche
autour d’un cou qu’on dit trop long
c’est peut-être pour ça que je ne sens plus
mon corps dans ma tête alors que je bouge.
Mais j’hésite à sortir, à lire la peur
sur le visage des autres qui est aussi le mien.

Quelques semaines plus tard je me réveille
toute la nuit j’ai arraché des touffes
de coton de ma bouche, d’entre mes dents
en me demandant pourquoi, alors que
tellement fragiles nous sommes
cassés en dedans, souriants dehors
comme ces fleurs givrées qui ploient
sous le vent d’hiver, l’on s’attend
encore à ce que nous émettions
de la lumière. Pour être phare
il faut voir plus loin que soi
plus loin que les croyances
que les évidences
et arrêter de parler
le langage des sourds
il faut boire le lait des voies
qu’embrassent les langues incroyables
il faut aussi savoir s’immoler.

Certains jours je baisse les yeux
les bras, le ton, les volets, la garde
les commissures droite et gauche
retourne mon estomac sur la table
sans trouver la cause de cette brûlure
qui me sépare de ces mots
qui ne disent pas l’indicible.

Je vis où là
je vis où je lis où que tout
allait s’arranger dans le meilleur
désordre possible ?
C’est un monde             où ma fille
rit à pleines dents, tête renversée
les yeux de plaisir

clos.

Texte et photo : Sabine Huynh

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