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Les Cosaques des Frontières

~ refuge pour les dépaysés

Les Cosaques des Frontières

Archives de Catégorie: Gabriel Franck

trop tard animal

03 mardi Jan 2017

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Gabriel Franck

Je me prends comme ça au milieu de la nuit. Sans filtre, animal. J’ai sommeil. Mais j’aime travailler avec la fatigue, j’en ai besoin. Tournent disques d’illusions en tête, une sorte d’euphorie tranquille où je suis debout, chez moi à conspirer. Nous sommes des machines compliquées qui pouvons aimer Bataille et les chocolats glacés. Alors qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on dit ; c’est sans importances. Je me répète et ça ne dérange personne. Je pense à cette fille dont les veines étaient des histoires d’amour à suivre, des lignes de télépathie. J’ai eu envie de les caresser, de les frôler tout d’abord en la regardant dans les yeux, à l’endormir. Paupières sur le noir. Domaine interdit. Je pense à la fille des intuitions. Elles ne se contredisent pas à la fleur de mon âme. Notre histoire sera une histoire de gestes. Notre capacité à taire, à figer l’obscur fond de nos pensées. Ne bouger plus jamais. Mais je regarde le plancher, seul chez moi désormais au lendemain, et je sais que c’est impossible. Et dur comme de la pierre de jardin, de son éclat. Elle a cessé de croire depuis bien longtemps avant de me reconnaître. Il n’y a plus de soufre. Comment vais-je maintenant. Je la revois sur fond de cuir orange de la banquette du café. Les veines. La main repliée. Nous parlons des détails. Nos obsessions. Je peine à retrouver son parfum j’ai oublié le code. Il y a une tristesse qui rode, pire que la mort. C’est vraiment fichu déchirant. Doigts défaits. Il faut que je me débranche de sa pensée à elle. Je lui parle, je la regarde, elle ose parfois sourire, et je dois faire en même temps comme si elle n’existera pas. Pourtant son nez de profil qu’elle veut que je regarde, qui découvre mes défiances. Je n’avais rien prévu aucune sécurité contre ses confidences, l’appel au secours des battements involontaires de ses cils pourtant sévères. Quand donc finira par se matérialiser une présence au lieu de ces images. Mes bras vont-ils enfin servir à quelque chose ? Il faudrait inventer une nouvelle saison.

Tout à coup, je me remue. Une idée m’a traversé. La certitude qu’ailleurs, dans son appartement, elle a pensé à tout cela aussi. Probablement sur le carrelage de sa cuisine debout. Je ne veux pas l’abandonner sur cette banquette comme elle m’enjoint à le faire. Si je pars, elle se dilue instantanément, dans le gin ou dans les miroirs, les grands miroirs qui invitent au silence. Nous sommes ensemble une manufacture de secousses, une machine à ne jamais dormir. Nous constituons ensemble le reste de la division. Elle sait que je sais qu’elle sait, c’est peut-être la seule manière de continuer. Il suffira de tenir jusqu’au quart d’heure des baisers, qui se situe habituellement aux alentours des quatre heures du matin. Me fera-t-elle un café ? Non, probablement jamais même si je passais une vie entière chez elle, enfin avec elle. Quel regret cette simple tasse à laquelle tendre la main sans un mot. Mais elle me fera des histoires, des histoires irremplaçables sous des lumières et des fatigues bien à elle et à ses coups de talons. Elle me fera la gueule, vaporisée, chimique. Avec son prénom de médication auquel elle feint de ne pas répondre par commodité passagère d’être une autre, un oiseau. Or la cage, c’est moi, c’est moi qui la trimballe d’appartement en appartement, sous les yeux affligés des trop tard, des lunes irresponsables.

 

Texte : Gabriel Franck

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Femme au miroir à songer

19 samedi Nov 2016

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Gabriel Franck

femme-a-songer-1

par un coup d’œil inopiné à la fenêtre, ce jour de fin d’août, doucement apocalyptique, cérébral, très humide mais non terne, j’ai vue. une fenêtre que je ne connais pas. à une distance d’environ cent mètres de rue tendue, un jeu de corde invisible. rue encore calme de l’été pluvieux. heure du soir à l’approche où tout est encore possible. cette fenêtre, ouverte, allumée, lointaine, j’y vois cette lumière ambrée d’intérieur, qui m’attire toujours l’œil, à faire voir toujours plus loin que ce qu’il y a à voir. une sorte de vision, intérieure, qui fend le temps, qui ouvre des portes le plus souvent dérobées, fondues dans le décor, dans les murs, où des cris d’oiseaux sont étouffés.
je la vois de trois-quarts elle, je la vois par le front, par une vision désaxée. elle célèbre en silence un je ne sais quoi que je devine à l’épaule. être le temps, oui, être devin des murmures. je ne vois rien que cette épaule en descente, épaule un peu affaissée, et le bras qui lui répond, bougeant à peine.
femme assise devant son miroir à songer. je distingue, derrière une petite balle laiteuse de coton qui reste tenue en l’air, tenue négligemment, un visage en reflet. à peine. le soir tombant rend la vision légèrement plus aiguë, l’œil peut courir directement à sa cible sans se perdre en route, selon une trajectoire de flèche, de main dans le sac. cela me semble se passer très loin et magnétique, une sorte d’enclave, un cyclone. mais je peux percevoir ce regard qui reste crypté, suspendu, horizontal. dépourvu d’humeurs, mais songeur à l’excès. c’est-à-dire d’une songerie sans objet, qui est juste un ralentissement maximal, perfectionné. qui fige le regardeur que je suis. il y a comme un duel de lenteur. elle ne peut pas me voir. cette main suspendue a tout oublié. la position assise du corps n’est pas tout à fait confortable, plutôt désarticulée, position d’oubli également, plutôt que d’abandon. c’est une sorte de scène de cabaret, une loge, fermée aux regards. seuls ceux passant par la fenêtre. elle tient le beau en respect, la grâce à distance.
et puis le poignet se casse selon une ligne, la balle de coton chute hors de la vue. s’anime la figure. la femme au miroir se saisit avec autorité d’un pinceau, maquille. c’est un lent travail, précis, où le hasard est brusqué, puis façonné par courbes concentriques, comme on représente le relief sur les cartes. elle semble suivre un ordre dont les gestes ne sont que des révélateurs. les mouvements s’affinent, elle ne se maquille plus mais peint véritablement un autoportrait par-dessus son propre visage. mais avec une manière de pourrir la chair méticuleusement, son propre regard, de le gâter par couches de lumières et de poudres, de fards à paupières. le bras bouge régulièrement comme une bielle. pendant que je souffre en silence de ma propre sidération, les couches s’épaississent et s’accumulent sur le visage que mon immobilité permet de mieux fixer. De ce que je peux en percevoir, elle a complètement disparu sous son autoportrait de poudres.
mais c’est pourtant bien elle, je la reconnais soudainement : soulevant une jupe de tissu comme si c’était un rideau mélodramatique, elle m’a déjà montré sur le boulevard sa cuisse gonflée de liqueur, me toisant de son regard griffure.

femme-a-songer-2

Texte : Gabriel Franck

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passe

12 samedi Nov 2016

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Gabriel Franck

passe

Encore ce boulevard. impair, pair, impair. Que fait-il quand je ne suis pas là, qui joue ? Au milieu des deux rives qui se toisent et semblent irréconciliables, cette bande de mer à deux vitesses. Dans la journée, le flux incessant, comme un système parfait d’oubli, et là, tard, juste quelques phares dans une nuit d’huile figée, et cette espèce de collant opaque que la nuit a revêtu et qui ne mènera nulle part.

Ce soir, on installe des abribus qui n’abritent plus de rien, et qui ne me répondent plus rien. Il y a deux ou trois hivers, on y voyait cet homme qui racontait sa vie à qui voulait l’entendre, il avait fui la gare, je crois, ou on l’avait chassé. Il avait investi l’ancien abribus, celui qui n’est plus là ce soir, où j’attends ordinairement le bus baleine, et qui vient d’être démonté, j’en vois encore le squelette à l’abandon sur le trottoir. Cet homme voulait quitter Paris, mais il ne voulait pas quitter Montparnasse. Un peu comme moi, à la réflexion. Quelque temps après, il avait disparu avec ses caddies, sans doute s’était-il décidé à aller vers le sud où « le temps est plus clément », répétait-il. Et puis un soir sur le banc vide, plus qu’une mère et son fils, il aspirait une brique de jus, et elle, son air mi-distrait mi-désespéré. Mais plus de nouvelles de cet homme massif. Moi je n’ai pas bougé, ou seulement sur quelques photos.

En marchant plus ou moins, disons en piétinant, comme je le fais volontiers, je remarque deux sortes de personnes : ceux qui s’agglutinent sous les lumières des cafés, des restaurants. Et ceux qui se coincent dans les zones d’ombre, et regardent en attendant qui sait quoi. Et il y a moi, qui ne dérange ni les uns ni les autres, qui leur emprunte simplement une étincelle, le reflet et l’excuse d’un regard lointain. Je m’approche régulièrement des vitrines, je regarde les dîneurs : je m’expose à l’envers, j’essaie de leur faire comprendre quelle marchandise hors de prix je suis, quelle confiserie… Mais ils ne me voient pas. Ils regardent les yeux de l’autre côté de la table, leur partenaire, comme s’ils voulaient les duper ou détourner leur attention, ces escamoteurs. Ils n’ont plus faim et ça les déprime, ils se cherchent de nouveaux objets à leurs tourments. Ceux qui sont seuls regardent leurs assiettes vides en pensant quand même à quelque chose. Ces assiettes pourraient aller au musée, tellement elles recueillent de regards concentrés.

Dehors, ceux de l’ombre eux, peut-être, me, nous regardent. En tout cas, on peut toujours l’imaginer car on ne voit pas leurs yeux dans le noir. Peut-être n’en ont-ils plus, à force. Ils restent immobiles, dans les coins, sans savoir quoi faire, attendant qu’on les prenne en pitié, qu’on les remarque, qu’on leur apporte une gaufre. J’entends parfois les sonneries de leurs téléphones, que souvent ils laissent retentir ; ils ne veulent pas qu’on entende leurs malversations.

Soudain je ne sais plus quoi faire, je suis une sonate fragile, je ne sais plus dans quel mouvement me mettre, me confondre. Je ressens des illusions contradictoires. Je regrette vivement que les magasins soient fermés, car ce serait une façon de traîner encore.

Mais l’heure du dîner s’éloigne déjà ce soir. Je n’ai quand même pas épuisé toutes les ressources ? Je passe devant le marchand de lampes ; il n’est pas si tard, elles sont encore toutes allumées dans la vitrine. Une fois de plus, je profite de tous ces kilowatts de lumière électrique sur le visage, je m’aveugle passagèrement, je fabrique du phosphène, je profite du spectacle mental de la projection, je m’éblouis. J’aime cette pluie de clartés que je m’offre régulièrement, sans jamais le prévoir. Car c’est toujours en dernier recours, quand je n’ai plus rien à faire, à voir, que je me retrouve là, à attendre que la minuterie du magasin de lampes se déclenche, s’éteigne et m’éconduise, qu’elle me renvoie au noir, aux voix basses, aux branches les plus crues de l’existence.

Texte : Gabriel Franck

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doppelgänger

05 samedi Nov 2016

Posted by lecuratordecontes in Gabriel Franck

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Gabriel Franck

… quand certaines nuits sans sommeil, nous nous parlions frénétiquement, nous nous trompions, nous confondions le je et le tu, je disais je pour tu, elle répondait tu pour je, mais c’était pas très grave, nous étions sur le lit assis en tailleur, entre nous il y avait souvent un bol de maïs à pop-corn où l’on plongeait nos mains en même temps, elles disparaissaient entièrement à l’intérieur, avalées, nous sentions en dessous nos doigts se frôler parmi les grains, et il n’y avait non plus jamais de ruptures entre nos phrases, nous étions la bouche de l’autre, les phrases s’enchaînaient, continuant l’une l’autre, échappant à nos propres desseins, étrangères en cela que nous ne savions plus qui les avait commencées poursuivies ou achevées, elles étaient en outre ponctuées par l’éclat du maïs transformé en pop-corn dans nos palais dès qu’on l’y fourrait, ça faisait de drôles de bruits en sourdine, et à ce signal un chat noir s’asseyait sur le rebord de la fenêtre, c’était le troisième point du triangle qui veinait nos nuits. Le chat régulièrement, sans que ses yeux jaunes ne cillent jamais, faisait à peine mouvoir ses pattes en légères et imperceptibles percussions, les soulevant et reposant à peine, en des séquences plus ou moins longues, comme s’il codait du morse, retranscrivant peut-être nos délires qui ne s’attachaient à rien, nous parlions de quoi nous parlions-nous, bien sûr, et sans parler du reste, dessous les tables, nous décrivions souvent par ordre aleph-hébété une lancinante litanie, phylactères voltigeant dans l’air, qui incluaient le décompte exact de nos items corporels, la déclinaison de nos identités multiples, la liste des livres lus et leurs impossibles exégèses, des résumés en trois lignes tronquées de films vus au périscope, le compte de nos dépossessions en progrès, la liste des personnes que nous connaissions et la description précise de leurs vies faits gestes, investissant ainsi un nombre d’existences limite.

Échappant ainsi à nos propres destinées, nous savions qu’en restant face à face, tout bougeait autour de nous mais que nous étions infranchissables, inaltérables comme le diamant.

Nous finissions par nous épuiser et nous endormir brusquement sur le couvre-lit, le chat se retirait en faisant à peine mouvoir le rideau (qui au bout de quelques mois s’était à l’endroit du passage légèrement décoloré) en comblant je ne sais quel trou de la nuit.
Et nous nous réveillions aux deuxièmes matins, comme des étoiles tombées, préparant notre petit déjeuner sans un mot, maussades, nos fréquences encore mal rétablies.

Texte : Gabriel Franck 

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femme-léopard

29 samedi Oct 2016

Posted by lecuratordecontes in Gabriel Franck

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Aujourd’hui dans le bus est venue s’asseoir à côté de moi une grosse femme permanentée d’environ soixante ans, cheveux laqués fixes et blonds platine, en manteau de léopard synthétique. Elle avait des ongles longs et rouges, couleur testarossa, des bottes de cuir sous une jupe très classique, et semblait regarder tout de haut derrière des paupières et sourcils pareillement arqués. Elle tournait son cou et son visage de manière coordonnée, réagissant par micro-signaux aux stimulations diverses qu’elle percevait, les embardées du bus, les bribes de conversations. Des enfants jouaient à dégommer sur leurs téléphones bruyants, ça n’avait pas l’air de l’agréer. J’avais l’impression qu’elle me destinait spécialement ses infimes réactions, qu’elle se donnait en spectacle, car elle savait que je l’observais aussi à ma manière, et elle s’était un peu collée à moi, dans la cohue assise. nous étions au fond du bus, serrés par les cuisses, dans l’arrondi qui nous avalait, et elle tenait tant bien que mal ses deux paquets contre elle.
Elle relève un pan du manteau léopard pour fouiller dans sa poche, et voilà tout à coup que, je ne sais comment, je sens qu’elle serre mon sexe entre ses doigts, comme si sa poche donnait directement dessus, aboutissant chez moi ! Saisi, comme on dit. Je regardai sa main, que je ne voyais pas puisqu’elle disparaissait dans sa poche ; je ne pouvais rien dire du tout, je n’osai plus bouger ni la regarder plus frontalement, j’attendais, simplement, et bien, qu’elle me lâche. Je m’étais attendu, plus classiquement, à ce qu’elle sorte de sa poche un mouchoir pour s’éponger, et non pas à ce rapt, ce ravissement.
Ce qui me dérangeait, c’étaient ses ongles, la taille de ses ongles, énorme ; j’avais peur qu’elle me blessât.
Mais plus rien ne se passait ; si ce n’était que je sentais l’étreinte vivre autour de moi d’infimes variations.
Au bout de quelques instants, elle me demande si je peux ouvrir la fenêtre, car « il fait une chaleur épouvantable », ce que je ne pouvais que difficilement nier, il faut donc que je m’exécute. Pour ce faire, je tends le bras au maximum, pour ne pas avoir à trop déplacer le reste de mon corps, ignorant tout des conséquences d’une situation tellement inédite, et je réponds à sa demande. Elle me remercie, toujours comme si de rien n’était, toujours la main dans la poche et sur moi.
Le trajet s’était déjà pas mal raccourci, et une foule de questions se posaient à moi, comme par exemple ce qui allait se passer si je devais descendre avant elle. Finalement, la rue est si encombrée (on commémore je ne sais quoi encore) que tout le monde reçoit l’ordre de descendre, ce qui se pratique, c’est une tradition, dans la plus grande précipitation. La femme au manteau léopard me salue avec un grand sourire complice, et voilà qu’elle a disparu.
Mais pourtant je sens toujours la main qui me serre. Je marche, j’oublie ce que je suis venu faire sur terre, au moins ce jour-là, et je n’ose pas moi-même mettre la main dans ma poche, de peur qu’elle aboutisse je ne sais où. Je ne sais plus moi-même où je vais, tout s’annule. Il me semble que je ne sais pas, que je ne sais plus si je la sens encore, ou si c’est seulement le reste d’une impression si forte qui perdure.
En fin d’après-midi, je sens pourtant que l’étreinte s’est desserrée.

Dans le bus du retour, une jeune fille, jambes nues et sac verni rose lit un Agatha Christie, dans une de ces vieilles éditions de poche à couverture illustrée si typique, dont la pellicule plastique se détache inévitablement. Elle était d’abord devant, je l’avais aperçue, mais elle est venue dans le fond du bus où je suis à nouveau (j’ai mes habitudes), car elle a probablement dû « céder sa place », contre un peu de tristesse. Elle sort en même temps que moi, en arborant un sourire étrange, fait pour troubler. Elle semble tout à fait vertueuse, mais elle y met un doute, par correction.
Quelle expression étrange, sage, et à la fois comme toute prête à l’aventure !..

 

Texte : Gabriel Franck, nouveau Cosaque

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