Le synopsis d’Anna Jouy

Vous étiez un brave type, ordinaire et rien qui dépasse. Journaliste pour vivre de quelque chose, joueur pour vibrer de temps en temps. Votre existence allait de petits échecs en désillusions. La femme de votre vie, celle qui ne vous a jamais rien accordé pourtant, vient de se suicider et vous avez des dettes de jeu à vous donner une pareille idée… Mais la chance est-elle en train de tourner car vous voilà convoqué chez qui vous pensez être son notaire ?
La mort de votre chère Dany devrait être vengée, c’est ce qu’on vous assène, en vous remettant un cahier censé tout vous révéler sur votre amour et vous convaincre. Tandis que vous allez découvrir ce journal, autour de vous des événements resserreront leur étau et vous prendront à la gorge. Et l’ultimatum tombera : vengez Dani, tuez l’homme qui l’a rendue si malheureuse et vos dettes seront effacées…
Vous auriez dû vous méfier… Cet accident de voiture provoqué de toutes pièces n’allait pas vous délivrer de vos soucis, malgré la promesse qu’on vous en avait fait. Vous n’êtes pas coupable de la mort de ce Reto, mais vous passerez quelques années en prison sans rien y comprendre.
Maintenant vous reprenez le chemin qui vous a conduit chez cet étrange notaire… il va falloir qu’il s’explique, c’est ce que vous vous dîtes !! Je vous entends bien, je vous comprends mais vous êtes un brave type et ce qui va vous être avoué va vous dépasser et ça c’est sûr.

Présentation de Yan Kouton

Anna Jouy nous livre là un polar toxique, étrange, à la manière d’un film de David Lynch. Parfois obscur, hautement psychologique, dont les ressorts profonds n’apparaissent qu’un moment après la lecture. On en retient d’abord l’esthétique. Sombre, tendue, totalement singulière. Où tout semble évoqué, presque esquissé, pour dissimuler la gravité sous une subtile couche littéraire.
Rien n’est simple, ni facile d’accès dans « L’émissaire », puisque tout se joue dans la manipulation, et les faux-semblants. À l’instar d’une réalité que l’on appréhende trop souvent par son versant lumineux, en occultant sa face cachée. Là, précisément, où Anna Jouy situe son intrigue, et ses personnages. Quand un suicide a des allures de meurtre. Quand la famille est le théâtre des pires pressions psychiques, coupée du monde. Ou, pire, qu’elle projette sur l’extérieur sa perversité.
« L’émissaire » se lit comme la disparition minutieusement préparée et mise en pratique de l’autre, son effacement d’abord spirituel, avant d’entraîner le physique dans le néant. Le livre se situe ainsi à la frontière de la vie et de la mort, dans un entre-deux terrifiant, mais captivant par son intensité et son inventivité.
On y décèle aussi une réflexion peut-être plus poétique, autour de la puissance des mots. Jusqu’à leur capacité à détruire. Dans cette enquête psychologique, où le jeu devient le symbole de l’existence et de sa cruauté, on mesure l’ampleur de la pensée d’une autrice qui a fait de l’écriture un univers angoissant, mais toujours captivant.

Extrait

« L’ombre du meurtre passa. Glissa si vite que personne ne la vit, que l’enfant lui-même ne la reconnut pas. Elle coula parmi les autres ombres, entre celles des tilleuls. Dans les pas de l’homme et de la femme encore. Suinta à peine, goutta peut-être juste sur les cheveux coupés très courts du gamin, jusqu’à cette moue chagrine qu’il étrennait pour la première fois et qu’il allait porter désormais comme un fétiche, comme un masque.« 

« L’émissaire » de Anna Jouy – Roman aux Editions QazaQ – ISBN : 978-2-492483-60-8