Dans le café Brasileira
Entre les cigarillos bavards
L’air est chargé de Bacalhau
De Caldo verde du jour
Relents d’un film noir
Un homme se remet un manuscrit à lui-même
Le regard suspect et arrondi
Son feutre gris « déjà » immortel
Sa mine cireuse de fonctionnaire
Ne trahit en rien sa couverture
Personne ne fait attention à lui
Perdu dans une triste mosaïque
Il converse avec une chaise vide
Tantôt surpris, tantôt dédaigneux
Indifférent au défilé des jambes des Portugaises
Une tendresse inaccessible à son complet trois pièces
Il se contente d’empiler ses impressions
Des poèmes mystiques
Des horoscopes drolatiques
Des portraits robots sans suite
Le tout bien empaqueté dans une grande malle
Il rêve d’être compris mais il y renonce aussitôt
Seule la mort lui ouvrira les portes de la multitude
Tour à tour Alberto Caeiro
Ricardo Reis
Álvaro de Campos
Bernardo Soares
Il deviendra même une statue
La chaise libre en face de lui
A présent toujours occupée
S’y croisent et s’y décroisent
Les jambes des femmes du monde entier

Sur l’auteur :
Grégory RATEAU s’est rapidement imposé sur la nouvelle scène poétique contemporaine. Il a obtenu le Prix Amélie Murat 2023 pour son recueil Imprécations nocturnes aussi sélectionné au Prix Ganzo du Festival Etonnants Voyageurs. Des critiques et des entretiens fleurissent un peu partout dont Europe, Arpa, Zone Critique, Esprit, En Attendant Nadeau, Poesibao, Les Lettres Françaises, La Cause Littéraire…
Parrain pour différents concours francophones, ce poète « révolté » et « engagé » par l’écriture et seulement par elle, questionne sans cesse le réel comme ses grands modèles : Fondane, Cendrars, Moreau, Demangeot, Rodanski, Rimbaud, Ginsberg, Larbaud, Prevel.
Ses poèmes rencontrent un véritable engouement, en seulement deux ans, ils font l’objet de lectures publiques dans les Instituts, les Lycées, les Universités, les Maisons de la poésie, les Festivals, publiés dans plusieurs anthologies du Le Printemps des poètes (dont celle du Castor Astral prévue pour la rentrée), dans un livre d’art, une cartographie de la poésie et dans plus d’une quarantaine de revues papiers et numériques en France/Corse/Haïti, au Sénégal, en Suisse, au Québec, au Portugal, en Roumanie, en Belgique, Espagne, Pérou, Liban, Italie (L’Orient le jour, FPM, Arpa, Gustave, Le Cafard Hérétique, Place de la Sorbonne, Verso, Points & Contrepoints…). Il signe également la préface du poète communiste Gérard Lemaire, Pourquoi écrire ?
Jean-Baptiste Para, poète et directeur de la célèbre revue Europe écrira : « Un kaléidoscope. De multiples éclats du monde réel, en constant mouvement, leur retentissement sensible dans une conscience et un corps, la saisie des impromptus des jours dont le poème garde trace pour longtemps, tout cela intervient dans la relation que le lecteur peut entretenir avec ces poèmes qui (r)avivent son propre regard sur le monde. »
Toujours en errance, il vit aujourd’hui à Bucarest où il est le directeur d’un média mais aussi scénariste. Il est également l’auteur d’un récit de voyage sur la Roumanie (très médiatisé dans sa version roumaine et intégré au Guide Michelin) et d’un premier roman, Noir de soleil, chez Maurice Nadeau (sélectionné au prix France-Liban et au Prix Ulysse du premier roman 2020).
Texte issu du recueil « Conspiration du réel », aux Editions Unicité, 2022.