

Voici ce que les Cosaques des frontières en disaient lors de leur publication : https://lescosaquesdesfrontieres.com/2023/01/10/les-imprecations-nocturnes-de-gregory-rateau-extraits/
08 lundi Mai 2023
Posted Grégory Rateau
inVoici ce que les Cosaques des frontières en disaient lors de leur publication : https://lescosaquesdesfrontieres.com/2023/01/10/les-imprecations-nocturnes-de-gregory-rateau-extraits/
21 mardi Mar 2023
Posted Grégory Rateau
inDans une taverne du vieux port de Braila où tu jonglais avec les chopes de bière, bousculé par des dockers frustrés refluant l’haleine des mauvais jours.
Je le voyais à ton air de moins que rien à tes lunettes rondes qui ne dissimulaient plus grand-chose, pas même cette fureur dans tes grands yeux qui moussaient non de vengeance mais de fraternité.
Dès qu’un étranger passait la porte, son visage basané, ses souliers rapiécés, le manque de l’évasion pointait au bout de ton nez. La fraîcheur de l’horizon se frayait un chemin entre les crachoirs. Les soleils noirs de l’amitié au fond des verres scintillaient.
Ta flamme en bandoulière, il aurait fallu être aveugle pour ne pas la voir, la toucher. Elle réchauffait la Țuică, brulait les lèvres, asséchait les yeux. Même ton patron la bouclait pétrifié derrière son comptoir, une prison de bouteilles qui l’empêchait de voir au-delà de son bar.
Qu’aurait-il pu faire contre cette rage de vivre, cette puissante curiosité qui à elle seule pourrait remplir toutes les caves de la ville ?
Le chardon voilà comment ton mentor te surnommait. Un Grec t’ayant initié aux belles lettres à la géographie des cartes car tu as à peine connu ton père ne pouvant que l’imaginer dans tous ces visages :
mendiants de passage,
vagabonds des rails
Voilà ce que ta mère ne voulait pas que tu deviennes. La pauvre sentait que son fils lui échappait qu’il tissait la nuit des lignes vers l’infini. Blanchisseuse de métier, elle voulait te voir épouser une gentille fille. Te libérer un temps de tes chaînes pour en enfiler de nouvelles.
Toi, simple bon à rien rêveur, tu aurais retourné la terre pour un seul de ses sourires. Alors tu as passé des heures assis face au Danube à prier le fleuve. Tu suppliais même parfois mais toujours ce silence implacable en ricochet. Jusqu’au soir du miracle :
Le vent frappait tes tempes
La pluie te rentrait dans les oreilles
Impassible, tu surnageais à contre-courant
puis le Danube te prit en pitié
et décida même à ta place
Rien ne pouvait plus t’arrêter
pas même celle qui s’était sacrifiée
t’offrant ce rien jusqu’au dernier grain
Elle aussi tu as dû l’enjamber
la route et la misère comme descendance
La tristesse de ta défunte mère fixée à jamais
dans chaque prunelle de femme que tu croiserais
Conspiration du réel, Unicité, 2022
Panaït Istrati
Sur l’auteur :
Grégory Rateau est un écrivain et poète français né en 1984 dans la banlieue parisienne et vivant aujourd’hui en Roumanie où il dirige un média. Il est l’auteur d’un premier roman, Noir de soleil, chez Maurice Nadeau (sélectionné au Prix France-Liban et au Prix Ulysse du premier roman 2020) et d’un premier recueil très plébiscité, Conspiration du réel, chez Unicité. Ses poèmes sont valorisés dans plusieurs anthologies et dans une trentaine de revues en France/Corse, Belgique, Suisse, Roumanie, Portugal, Pérou, Haïti, Espagne et Italie (Arpa, Europe, Esprit, En Attendant Nadeau, Verso, Place de la Sorbonne, Points et Contrepoints, Le Persil, Traversées, Bleu d’encre, Recours au poème…). Son nouveau recueil, Imprécations nocturnes vient de sortir chez Conspiration éditions ainsi qu’un livre illustré de ses poèmes en collaboration avec le peintre Jacques Cauda, Nemo, chez RAZ éditions.
02 jeudi Mar 2023
Posted Grégory Rateau
inUne fenêtre grande ouverte
horizon d’un autre ciel
bleu et vide comme celui d’avant
similaire et lointain
Des vignes, un terrain délimité
rien d’inédit. Le quotidien
Des souvenirs se superposent
en un calque approximatif
Fou furieux de l’inconnu
tu as voulu tirer un trait
redistribuer les cartes
en subtiliser une ou deux dans ta besace
Laisser cet autre
ce compagnon de toujours
sur un coin de route
à des kilomètres de toi
Alors tu as pris tes cliques et tes claques
tissé des frontières impossibles
entre ceux qui t’ont éduqué
inculqué le peu que tu sais
Sciemment brouillé les pistes
abandonné ton église
le prêtre aimant le bon vin
les vieux amis
tous entortillés dans le même cordon un peu honteux
Ceux qui en un coup d’œil te disaient :
« Je sais qui tu es
inutile d’essayer de nous bluffer »
Alors, pris dans ta course à l’exil
à bout de souffle
espérant que chaque pas
t’éloignerait de moi
tu as tout essayé
pour planter le raté
l’enfant gâté
Celui qui toujours se planquait
entre deux sonneries de récré
et qui affiche à présent
son chapeau et son cuir d’aventurier
comme autant d’accessoires
de pastiches du théâtre mourant
Trop lourd à porter
ton sac à dos décoratif
t’étrangle à défaut de te maintenir
le dos bien droit, le regard fier
un pied devant l’autre
des crêtes en dents de scie
le panorama te nargue
Ironie sublime
la brume masque l’avenir
même cette récompense te fuit
Un bâtard te reconnaît
ange gardien de ce rien que tu cultives
le vide de part et d’autre
et partout, sur les panneaux indicateurs
mon bon souvenir
Pour Jean-François Jacq
Conspiration du réel (Editions Unicité, 2022)
Sur l’auteur
Grégory Rateau est un écrivain et poète français né en 1984 dans la banlieue parisienne et vivant aujourd’hui en Roumanie où il dirige un média. Il est l’auteur d’un premier roman, Noir de soleil, chez Maurice Nadeau (sélectionné au Prix France-Liban et au Prix Ulysse du premier roman 2020) et d’un premier recueil très plébiscité, Conspiration du réel, chez Unicité. Ses poèmes sont valorisés dans plusieurs anthologies et dans une trentaine de revues en France/Corse, Belgique, Suisse, Roumanie, Portugal, Pérou, Haïti, Espagne et Italie (Arpa, Europe, Esprit, En Attendant Nadeau, Verso, Place de la Sorbonne, Points et Contrepoints, Le Persil, Traversées, Bleu d’encre, Recours au poème…). Son nouveau recueil, Imprécations nocturnes vient de sortir chez Conspiration éditions ainsi qu’un livre illustré de ses poèmes en collaboration avec le peintre Jacques Cauda, Nemo, chez RAZ éditions.
16 jeudi Fév 2023
Posted Grégory Rateau
inCe matin, la poussière des noceurs fouette la rue jusqu’au sang
Les Népalais indifférents commencent leurs ablutions
Toute cette sueur qui rejoint le fleuve aux couleurs délavées
Quand au-dessus des fils électriques
Des nappes se déploient dans les cieux en l’honneur d’un buffet sacré
Chacun y va alors de son offrande
Et compte ses grains de riz en recomptant d’abord les siens
Au grand désespoir des chiens crevés dont le plus féroce ressuscite soudain
Et plante ses crocs de Cerbère, emportant sa maigre portion de vie
Et là, dans la fumée du haschich à l’odeur méphitique
J’hume la cendre des envolés, des visages striés de rides, sourires de bronzes dorés
Tous porteurs de père en fils et tous des sacrifiés
Au coin de la rue, des hippies sur le retour narguent l’Himalaya
Ils parlent de s’envoyer des bières au sommet
De copuler dans les neiges des selfies
Conspiration du réel, Unicité, 2022
01 mercredi Fév 2023
Posted Grégory Rateau
in1
Lui, avec sa gueule de Minotaure
crinière laquée de graisse
yeux globuleux, injectés
d’une lueur rouge vif propre aux initiés
vivant entre les enluminures de livres rares
capable de les citer de mémoire
d’en faire des refrains coup de poing
aujourd’hui, les pages sont déchirées
il les utilise pour retrouver son chemin
dans les nuées obscènes du hachich
2
elle, gracile, chevelure nègre
avec cette pitié maternelle
entremêlée de haine
après seulement quelques verres
voilà que ses visions reviennent
la Gitane en elle se réveille
fille de la Terre
la fièvre entre les jambes
dans l’attente d’un Thésée libérateur
elle danse jusqu’à l’extase
l’oubli de son serment
défaire par ses imprécations nocturnes
les liens empoisonnés
3
elles sont loin les unions cannibales
il ne reste plus que de vagues coïts amnésiques
migraine sur migraine
relents acides
effluves d’humidité rageuse
visions de ces choses grouillantes
jusque dans sa tête
demain, elle l’abandonnera
pour vivre en pleine lumière
si tant est qu’elle s’en souvienne
qu’elle trouve seule, l’issue du labyrinthe.
Extrait d’Imprécations nocturnes chez Conspiration éditions – Illustration : Pablo Picasso
Grégory Rateau est un écrivain et poète français né en 1984 dans la banlieue parisienne et vivant aujourd’hui en Roumanie où il dirige un média. Il est l’auteur d’un premier roman, Noir de soleil, chez Maurice Nadeau (sélectionné au Prix France-Liban et au Prix Ulysse du premier roman 2020) et d’un premier recueil très plébiscité, Conspiration du réel, chez Unicité. Ses poèmes sont valorisés dans plusieurs anthologies et dans une trentaine de revues en France/Corse, Belgique, Suisse, Roumanie, Portugal, Pérou, Haïti, Espagne et Italie (Arpa, Europe, Esprit, En Attendant Nadeau, Verso, Place de la Sorbonne, Points et Contrepoints, Le Persil, Traversées, Bleu d’encre, Recours au poème…). Son nouveau recueil, Imprécations nocturnes vient de sortir chez Conspiration éditions ainsi qu’un livre illustré de ses poèmes en collaboration avec le peintre Jacques Cauda, Nemo, chez RAZ éditions.