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Nous dérivons heureux sur le flot mou des rêves. Nous aimons le doute, l’opacité de l’ombre, ce gouffre où frétille l’indicible hantise, où se tortillent les monstres des profondeurs obscures, entités d’un espace où rampent les douleurs du malaise initial qui corrompt l’être même. Nous aimons nous laisser porter par un vent sibyllin, le souffle de nos peurs et de nos noirs désirs. Enivrés des errances, loin d’ici, hors du temps, toujours plus loin jusqu’à l’horizon de l’éveil, nous écrivons des visions de voyage. La mémoire est pudique, il faut la caresser. Le rêve abyssal est lourd de mystères et l’œil de l’énigme un lacrymal magma. Gorgone de la nuit qui pétrifie les sens, nous sommes des pantins aimant à la folie.
Texte : Jean-Jacques Brouard