Poème pour Ernest Hemingway

Adossé au mur,

au chant des cigales,

à l’angélus qui sonne

et à la brise qui s’ accompagne

de la rumeur lointaine

du train que j’entends depuis toujours,

aux limites

de ce village qui,

bien qu’il existe,

n’est plus,

comme moi,

qui bien que je ne sois plus,

existe.

Second poème pour Ernest Hemingway

C’était une belle journée

pour être en avion

au-dessus d’un coin d’Afrique,

entre Nairobi et la Tanzanie,

mais j’allais à pied

vers la place de Clichy.

Une belle journée

pour être à bonne distance

de ce qu’on refuse de voir s’éloigner.

Une belle journée pour l’habitude

et pour garder le silence là-dessus.

*

Un but que la fatigue

rend inatteignable,

révèle ce que l’on a

dans le ventre,

moins toutefois qu’une cible rapprochée

si l’on est un soldat.

*

C’est un matin

où l’on doute

Si l’on va résoudre

tous ses problèmes,

ou se résoudre à

avoir des problèmes.

*

Bien des choses révèlent

ce que l’on a

contre la vérité,

mais nous passons

tous là-dessus,

ou faisons semblant

de passer,

très exactement

comme à la lumière de l’aube,

toute vérité.

Sur l’auteur

Fabien Sanchez est un écrivain (poète, romancier, nouvelliste,) né en 1972, originaire de Montpellier et qui vit à Paris depuis 1996.

Auteur de recueils de nouvelles et de romans tels que « Le sourire des évadés » qui fut en lice pour le Goncourt du premier roman en 2015, il collabore à de nombreuses revues littéraires internationales. Il est aussi poète. On lui doit à ce titre cinq recueils, aux éditions La Dragonne, Al Manar, Tarmac, Les carnets du dessert de lune.

Il mène de front une vie littéraire et une littérature qui évoque sa vie, mais l’intéresse avant tout ce qu’il théorisa sous la formule de « provinces des sentiments quand elles deviennent des capitales ».

Pour lui, écrire consiste à recoller les morceaux devant l’énigme de ce qui s’est cassé.

De même tente-t-il d’arracher sa part d’ombre à ce que l’ombre a autrefois caché dans son indicible clarté.

Il fait le constat que c’est parce-que l’écriture le libère, qu’il est enchaîné à elle.

Sa profession de foi, s’il devait en avoir une, rejoint le propos de François Mauriac qui disait qu’il était un métaphysicien qui travaille dans le concret.