Au jeu du miroir, mettre la tête à prix. Une tête maquillée, enrichie de couleurs, celle qui fera le parfait avatar… Faut essayer. Dernière chance de tenir tête au manque d’amour, de tenir tête à cette seconde, présente de plus en plus et qui porte un autre prénom. Tenir tête en montrant un visage parfois, histoire de mettre une apparence alors qu’elle n’est que transparence. S’exhiber comme un masque, être dans un masque de phrases. Ainsi l’autre, l’invisible bavarde qui s’agite sur les réseaux sociaux, prend forme. Elle ne prend pas corps mais une sorte de vie, lisible, aussi présente que si vivante. Lentement, ce prénom inventé s’emplit de sable et sort de la transparence. Les mots emplissent le moule imaginaire de qui c’est, aux yeux de ceux qui les lisent. Devenir ce prénom, qui n’est plus innocent et creux. Il est empli de ce qui est écrit. Ce n’est pas par hasard qu’on lui ajoute un nom, un nom plein de vie et de désir, un nom qui dit tout ce qui manque, qui dit tout de sa propre raison d’être. Jouir en termes, puisqu’en chair il ne peut en être question.


Un pistil de flammes, cire de tête, bougie consumant son parfum. Tout se mélange, octroie des mondes difficiles et des urgences, oratoire d’étincelles. Il y a des jours où la figure est une flétrissure, habitée d’une fatigue sans collagène. Le regard semble s’affaisser lui aussi, de la peau des yeux vers la peau du cou. Plus tard, on ne sait comment ni par quelle aventure de la pensée, tout se retendra- un peu – pendant quelques jours. Un angelot esthéticien sera passé remettre tout de mèche et debout… En attendant, on scrute son propre écroulement. C’est un jour assez médiocre qui penche du côté sordide de l’existence. Le corps ne veut pas entrer en matière. Il bidouille entre respirer et lever le pied. L’estomac grenaille le temps comme gésier d’hiver. Ça grince, ça frotte en soi-même. Et ce désaccord qui dure, qui s’allonge en soi, sur soi, qui noue sans cadeau… Etrange état entre deux, ni totalement soi ni autre et qui se manifeste pareil dans ces indécisions de la peau, un jour avec, un autre sans… Se nourrir de ces fluxions de bobine. Compagnie relâchée. Miroir, miroir, où est-on passée… Ça laisse son petit mot sur la table. « Ne m’attends pas, je reviens tard ».

Texte/Illustration : Anna Jouy