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Aigle il a été, incarnation de la puissance, symbole de la violence armée, celle qui est dite légitime.

Plus n’est utile à l’argent, notre vrai seigneur. La paix des armes est venue en nos pays. L’aigle n’est plus qu’ornement. Force et beauté célébrées, la fierté lui est niée.

Cependant lui est resté, pendant des siècles, son renom. Et puisqu’il fondait sur pauvres chairs, pour s’en repaître, comme le gerfaut pour son maître, les petites gens, en leur exaspération – même s’ils goûtaient fort ces chairs, eux aussi – l’ont frappé, comme voulaient le faire des puissants.

Pauvre aigle que les ans ont usés, ayant perdu sa tête, sur la demeure déchue il est resté. Campé fermement sur ses pattes, ailes déployées, pour l’équilibre, il a penché la tête – puisque nul ne pouvait plus le voir – vers le noir passage étroit, permettant vue et circulation, mais pas trop, que dût réserver Messire Bassette, pour étendre son hôtel. Las des hommes de guerre, des puissants, même de l’agent secret, qui fut un temps de la famille, il peut sourire à un frais jupon, s’attendrir sur un gamin, ou grimacer devant un brutal, regarder la vie simple, faire amitié avec les oiseaux, fermer les yeux qu’il n’a pas, délicieusement, sous la main du soleil, laisser couler les siècles.

Avoir le bonheur aussi, pour se sentir bien de la ville, de se rendre utile, en veillant sur une lumière, pour que paix et sécurité soient.

PS à vrai dire je ne sais comment il a perdu la tête, peut-être est-ce en rêvant dans le vent.

 

Texte et photo : Brigitte Celerier