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Dans le dernier magazine acheté, il y a un article que je relis souvent. Parce que le journal est sur une étagère des W.C. On y parle de moi, je veux dire que c’est écrit pour moi. Spécialement. Le sujet c’est la routine, les ornières de la vie ordinaire. Je suis la femme au métronome, entièrement guidée par des balises aussi régulières que des lignes blanches sur la route. Chaque semaine est organisée. Et je maitrise mes jours à la perfection. C’est lisse. C’est sans surprise. Et je les recommence avec cette certitude que rien ne va me surprendre mais aussi depuis quelque temps avec une pesante charge d’ennui.
C’est une belle revue, illustrée de dessins, mise en page zen et pastel, séduisante comme un napperon de dentelles fraîches posé comme ça sur une tablette, dans mes vétustes cabinets de trois générations d’incontinents. Et je relis comment rompre son vieux pain quotidien, sec et dur, en quelques idées faciles à mettre en pratique, efficaces et étonnantes.
La plus particulière s’attaque à la fin de semaine. Le dimanche cafardeux qui embraye vers 17 heures, les mécaniques usées des reprises de travail. Je suis comme tout le monde ou presque, je hais le dimanche mais je reste sans force pour dépoussiérer une journée que je subis, écrasée d’avance par le poids de sa chute.
Le journaliste me conseille d’essayer le voyage. Sûr que de partir, de prendre la route pour le week-end doit bien aider à faire surgir quelque chose de neuf et d’excitant. Mais est-il bien raisonnable de s’offrir ce genre de remède souvent et comment se reposer aussi si on fait son bagage à tour de moulin à vent ? Mais on me propose de voyager autrement. En fait, de prendre un hôtel dans ma ville, dans mon coin, ma région, sans rien d’autre qu’une trousse de première nécessité, et puis de laisser le charme de l’inconnu opérer.
Cette idée est cocasse. Je me vois descendre dans ma rue, longer trois maisons et entrer aux Trois-Rois pour y passer mon dimanche. Prendre une chambre avec vue sur la rivière, la même qui est sous mes fenêtres, observer le même ciel, entendre la même cloche mais en en payant le prix cette fois-ci. A quoi pense-t-on quand on écrit de telles sottises ? A-t-on pris la peine de tenter l’expérience, de vérifier in situ l’intérêt de son dire ? J’ai mes doutes. Que pourrais-je bien tirer d’une telle « aventure » ! Ai-je bien compris ou non ? C’est donc pour ça que je relis, pour saisir la nuance qui m’aurait échappée.
Il faut bien admettre que je n’ai pas tout faux mais également que je n’ai pas tout juste non plus. Un certain éloignement, un autre quartier, une autre direction s’imposent tout de même, comme un sérieux atout. Un minimum de mouvement demeure nécessaire.
Mon quartier est un fort joli endroit, peut-être même est-il le plus beau point de vue sur la ville. Je ne me lasse pas vraiment de profiter de ce panorama mais il est vrai que je le connais par cœur et que ces alignements de maisons sous ma fenêtre font partie des rigidités de mon existence au même titre que mes habitudes.
Et si j’optais pour un tel remède à mon ennui, qu’est-ce que cela me ferait de voir d’un lointain extérieur, les croisées de mon propre appartement ? Et si je leur tournais le dos, ouvrant mes yeux au petit lundi sur un autre quartier, un arbre ou un parking ? Et si ce rôle qui est le mien, mon allure, mon image, sortait soudain du cadre, si je m’accordais d’autres vies, d’autres formes ? Et si je déraillais ?
Encore un lundi ? Le matin est un bonheur, un plaisir simple, remis en question. Qui sait ?
Texte et dessin : Anna Jouy
pour en rester à l’hôtel (pardon, je me réveille) je pense à traverser la rue et me faire servir dans le cadre raffiné et les meubles anciens de l’Hôtel d’Europe (mais qui finance ?)
hé oui…qui? quand on lit ce genre d’articles dans les magazines on sait qu’ils ne sont pas écrits pour nous… sont juste là pour énerver. c’est évident que le mien a sa part d’ironie grinçante.