pour la dame

La fille à tête d’interlude ne se demandait plus rien, juste faire, aller vers, rencontrer le présent dans sa multiplicité d’interprétations. Jouer de poésie dans les lignes du jour.

Ne se demandait plus comment être au mieux, comment aimer, comment  devenir. Tout cela s’était envolé dans des fracas venus des orages du centre de son être.

Là où prend source le regard. Le regard intérieur qui voit, de la planète au microbe, du papillon à la vague.

Mais elle, elle jouait à la marelle avec les lanceurs de dogmes vénéneux. Coup de galet au loin ! Je dis, on s’imagine,  une jeune femme un peu volatile, éthérée et joueuse.

Elle, mais en fait,  c’est une vieille dame, une dame qui a arpenté les jours à force de tribulations, qui s’est usé les yeux dans l’inacceptable.

Mais qui a aussi compris le chien qui passe, le chat errant. L’oiseau qui grappille. L’enfant qui rigole avec un air d’avoir tout saisi.

Elle a aussi balancé les bons de réduction. Toutes les réductions, qui nous marchandent dans les gondoles des hypersouks sans âme.

Pourtant, la colère, l’indignation profonde la remuent. Pas pour écrire un bouquin ni simulacrer à la télé. Mais pour tenter de tenir dans cette planète qui arrache les fils de  la trame de son étoffe, qui déchire les enfants de ses miracles venus de l’eau et d’un météore tombé en mer, porteur de vie.

L’autre fois, dans le miracle d’une marche sans raison, elle a trouvé un oiseau. Un oisillon tombé d’un nid. Immobile et silencieux.

Et dans ses mains, sa poche, l’a ramassé, nourri, soigné et libéré.

L’autre soir, elle a planté un olivier dans un jardin public, un abricotier dans un champ, un noisetier dans une bassine où elle lavait ses fils.

pour la dame -1

Et, la dame marche, marche sans arrêt… Dans l’impensable de planètes folles, dans l’indéchiffrable de ces dieux bagarreurs, dans l’infini de  la science qui réinvente la magie de l’homme. Sans la poésie des anges.

Elle n’a pas de barre pour protéger sa porte, elle ne s’achète pas de foulards soyeux. Elle ne fait que marcher. Avec l’autre. Pour l’autre, peut-être ?

montagneChinoise”vers la vallée de l’étonnement”

Peintures, photo et texte : Carol Shapiro
Les images peuvent être agrandies par cliquer dessus
Reprise de 4 mai 2014