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À l’âge de vingt ans, je passais une semaine chez une amie ‘penfriend’, correspondante donc, qui habitait à Kalmar, Suède. Pendant une tempête, j ‘embarquai sur un bateau suédois à Tilbury près de Londres où j’avais logé chez un ami penfriend (ce que démontre que j’aimais les correspondances en langues étrangères déjà à cet âge tendre). C’est sur ce bateau en route vers Göteborg que je rencontrais en chair et os mes premières suédoises.
Ces deux filles ravissantes soignaient efficacement mon violent mal de mer en passant des vagues montagneuses au-dessus Dogger Bank. Elles m’avaient découvert pendu sur le bastingage en nourrissant les harengs chanceux dont les cousins étaient en train d’être pêchés par des bateaux hollandais, tirant leurs chaluts tout en tanguant violemment. Je me souviens comme j’étais incapable de comprendre comment les marins pouvaient fonctionner quand j’étais sur le point de mourir prématurément par la sortie de l’estomac via la bouche. Au dernier moment, les blondes créatures m’offrirent des pilules américaines justement inventées et après quelque temps on pouvait rire à trois.
Mon premier souvenir de Göteborg est que je me dandinais sur la terre ferme du quai en me sentant à nouveau un peu malade, en éprouvant le mal de terre juste après qu’on se soit finalement habitué aux bercements de la mer. Les deux filles m’ont doucement hébergé (pas en chair et os je vous rassure) avant que je parte en train vers Kalmar, en traversant toute la Suède du sud, un long voyage…
J’étais chaleureusement reçu par ma penfriend et ses parents, des fermiers en retraite de l’île d’Öland. Franchement je ne me souviens pas beaucoup de ce séjour sauf :
– qu’ il faisait froid
– que les fenêtres de l’appartement avaient du triple vitrage. Donc deux espaces d’air entre trois vitres
– les petits-déjeuners, le repas le plus grand du jour, des plats lourds dont j’aimais en particulier le Janssons Frestelse (la tentation de M. Jansson), un mélange de patates frites et jambon
– que le gouvernement suédois avait justement (1955) arrêté le rationnement d’alcool et que je voyais dans quelques lieux des gens ivres, voir soûles. On achetait encore le brännvin (‘vin brûlant = wodka etc) et aquavit dans les magasins d’état Systembolaget mais d’ores et déjà librement, une bouteille à la fois.
Mon amie me racontait qu’en Suède, à cause des longues durées d’obscurité quotidiennes pendant les longs hivers, beaucoup de gens avaient des problèmes de dépression et buvaient trop sans en avoir du plaisir. J’avoue que pendant le demi-siècle suivant, ces impressions coloraient mes idées sur les Suédois.
Heureusement, les Suédois ne s’ennuient plus en hiver, la découverte suivante m’a ré-éduqué radicalement… Bouclez vos ceintures et collez vos dentures comme disent les Américains :
(pour les curieux : “Sag, hur har du det med kärleken idag? Älskar du mej ännu?” : “Dis, comment vas-tu avec l’amour aujourd’hui? M’aimes-tu encore?”)
Vous avez vu l’orchestre agrandi de la famille Carling: le père Hans (trompette), la mère Aina (banjo et guitare), et leurs quatre enfants par ordre d’âge : Gerd, l’aînée (piano, trombone, altsaxophone), Max (clarinette, tenorsaxophone et violon, jongleur), Gunhild (vingt instruments, dont le trombone, la trompette et la cornemuse – et danseuse), et le fils cadet Ulf (batterie, danseur, jongleur).
Père Hans avait un orchestre Dixieland pendant les années 1960, ce qui me donne un lien émotionnel avec lui car j’en avais un aussi à la même époque mais un peu plus au sud, à Bornéo. Hans Carling et son Aina se décidèrent à créer un orchestre de leur propre chair et sang.
Regardez le jeune Cosaque à Bornéo (1968) et en suite lisez toute la vidéo (4 minutes) de toute la famille Carling d’un concert en Pologne en 1984 et émerveillez-vous spécialement de Gunhild qui à l’âge de 9 ans joue déjà du trombone avec une passion, et improvise et phrase les syncopes comme une grande, quel talent incroyable…
(Seven lonely days…)
Depuis, la famille est devenue une légende en Suède et dehors, pendant les dernières années ils ont joué aussi à New York, Buenos Aires, en Israel et des autres pays. Ils jouent ‘en famille’ et, souvent, renforcés par des autres musiciens et danseurs. Regardez les vidéos récentes, ci-dessous.
(à suivre mardi 9 décembre 2014)
Texte et photos en noir et blanc: Jan Doets
brigetoun a dit:
chaleureux comme un blog
d’abord le récit – et puis la musique
pris le temps de la première vidéo, me réchaufferai dans l’après midi avec les autres
brigetoun a dit:
à vrai dire, suis restée, ai tout écouté et regardé finalement
Dominique Hasselmann a dit:
La Suède réchauffe… Je comprends mieux ton amour du jazz !
lanlanhue a dit:
musique superbe et quelles présences…
Lelius a dit:
Époustouflant !
czottele a dit:
Quel tempérament, cette Gunhild! Quel bonheur de te voir jouer de la musique! Quelle joie de te lire! Merci Jan 🙂