pour cartes - cosaques

que je fus, tout autant que je fus, en classe, nulle en géographie…
pour l’amour de toutes les cartes, tous les plans que pouvais trouver, leurs tracés, les noms, le nuage vu en levant le nez et qui emportait mes songes..

les globes que l’on allume, et qu’il fallait manier avec précaution,
les cartes des livres de classe, et les grandes cartes plastifiées que l’on accrochait un rien de traviole sur le mur,
les atlas thématiques ou non (je me souviens d’un livre de poche qui mettait en cartes l’histoire universelle),
plus tard les illustrations des revues économiques,
les cartes qui éveillent l’imaginaire du voyage,
les cartes anciennes qui remplacent le dessin des côtes par des animaux, des plantes, des symboles, exactes d’être idées, et d’une merveilleuse irréalité, et les déserts par un chameau et un roi couronné,
les cartes inventées – j’ai tant aimé en dessiner à grands traits, avec rivage découpé où situer une maison pour abriter mes rêves, où me retirer, où accueillir, et j’imaginais comment montrer le relief, la dune incongrue, la chute de terre rousse sur les rochers, et les arbres dont les racines tentaient de retenir l’effondrement du talus,
les cartes marines et leurs lignes de minuscules chiffres,
et même les cartes topographiques, au tracé si fin, que mon grand père affichait le premier jour de vacances, et qui auraient été si belles si elles n’avaient été l’annonce de promenades en troupeau,
les grandes cartes rangées dans tes tubes, celles qu’on déroule avec soin pour se pencher dessus, envisager le monde, dresser un plan de bataille, dessiner une entrée de ville.

Cartes pour connaître un peu, cartes pour rêver beaucoup, et cartes pour posséder les terres et la mer, manier le réel, le dominer ou le contempler d’un oeil surplombant et émerveillé
Cartes pour représenter, recréer le monde par nos symboles…

Mais aussi les récits, les bribes du journal de Cook – les règles d’un bon commandement, la relation des faits, et de cette presque sécheresse naissait, je m’en souviens, l’impression de saisir la vie du bord – les voyages d’Ibn Battûta (l’édition de La Découverte de Maspéro qui fait partie des livres qui ne m’ont pas suivie jusqu’ici – le tas dans la cave… peut être est-il un de ceux choisis par l’un des déménageurs, ou plutôt embarqueurs vers une décharge ?), les récits de voyages de découverte où se glissent des petites considérations moralisatrices – en sourire un peu, et admirer l’audace, l’ouverture -… les textes où les voyages sont un prétexte à belle écriture, les voyages imaginaires, et ceux que l’on fait, adolescent, en posant pour un moment le livre sur nos jambes étendues, en regardant, au delà de la plage et des corps, le large..

Et voilà qu’en cherchant à vérifier l’orthographe du nom d’Ibn Battûta, j’ai trouvé, sur Wikipedia un lien vers les PDF de l’édition Maspéro, et me suis bénie d’avoir eu souvenance de lui

On apporta des mets dans des vases d’or, que les Indiens appellent suïuns, et qui ressemblent à nos chaudrons ; ils sont pourvus de supports d’or, sur lesquels on les pose, et qui sont nommés subucs. On apporta aussi des coupes pour boire, des plats et des aiguières, le tout en or. Les aliments furent disposés sur deux nappes ou tables, à deux rangs chacune ; à la tête de chaque rangée se trouvait le principal personnage parmi les individus présents. Quand nous nous avançâmes pour manger, les chambellans et les officiers s’inclinèrent et nous leur rendîmes le salut. On servit le sorbet, que nous bûmes, et les chambellans dirent : « Au nom de Dieu ! » Nous mangeâmes, et puis on distribua une sorte de bière, ainsi que du bétel, et les chambellans s’écrièrent : « Au nom de Dieu ! » Nous nous inclinâmes tous. Alors on nous dit de nous rendre dans un endroit qu’on nous indiqua, et l’on nous donna des robes d’honneur en soie chamarrées d’or. Nous fûmes conduits à la porte du palais, où nous nous inclinâmes ; les chambellans dirent : « Au nom de Dieu ! » Le vizir se tint debout et nous fîmes comme lui. On tira de l’intérieur du château un coffre contenant des habillements non cousus. Il y en avait en soie, en lin, en coton, et nous en reçûmes chacun notre part. Après, on apporta un grand plat en or, contenant des fruits secs, puis un autre avec du sirop, et un troisième, où était du bétel. (Ibn Battûta – Voyages – tome III – Inde, Extrème-Orient, Espagne et Soudan)

 

Texte et image : Brigitte Celerier
(l’image peut être agrandie par cliquer dessus)
Réf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Battûta