Le vieux cosaque : je vous emmène sur la pointe des pieds par les corridors du fort Bastiani et vous montre une chambre, appelée ‘L’Antre’, où habite son co-éditrice, on jette un coup d’oeil dedans, on voit un intérieur à ambiance cosy, et on entend les murmures de Borislava devant un écran de pomme, quand elle écrit… écoutez …:
“Épaules appuyées au mur corps en biais courbé au dessus du radiateur,une musique qui rode, que j’oublie, le kobo, ou un livre en mains, et mes yeux qui m’y invitent, qui m’entraînent dans le texte, des pauses où je regarde face à moi sans voir…
et quand j’ai trop chaud, je fais quelque pas, je pose le livre, le texte, sur la table, me penche dessus.
J’essaie d’apprendre à lire assise, confortablement, dans un fauteuil, sur une chaise… ne le puis – sauf parfois dans une salle d’attente, parce que là c’est normal, et que la petite attention nécessaire aux mouvements pour ne pas faire attendre quand viendra mon tour crée la note d’inconfort dont j’ai besoin.
La lecture a été trop longtemps une évasion, un rapt sur le temps.
Pour m’absorber en lecture, il me faut instabilité, qu’importe si illusoire.
lire Platon posé sur une épaule inconnue aux heures de pointe dans le métro
suivre l’histoire de la restauration en me tordant les chevilles sur un sentier
Mes oloés, même devenus rites, devaient garder une idée, devenue factice, de détournement, sembler fragiles…
Devaient, parce que l’ordinateur contraint mon corps à l’immobilité, la frontalité, parce que n’ai jamais été aussi souvent assise que depuis que suis dans l’antre – sur une fesse, tout de même, un peu de biais, les mains pas tout à fait d’aplomb, juste par un refus instinctif de l’ordre.
Et voilà que les mots qui se risquaient dans mes moments de rêverie, que n’avais jamais imaginés que posés sur l’air fugitif, avec lesquels je jouais, à cause ou grâce à cette machine, à paumée, je les garde, ils veulent rester, demandent à être tracés, lisibles ou non, sur le petit carnet que je pose devant moi…”
On s’éloigne doucement pour ne la déranger pas …
Texte: Brigitte Celerier ,
ré-publication d’un texte du 13 février sur http://relire.net/oloe/spip.php?article48 et du 15 février sur http://brigetoun.blogspot.nl/2014/02/dans-lantre-dans-lentre-deux-fin-en.html
entrer dans l’antre, jeter un oeil sur l’épaule de celle qui ne tient jamais assise, repartir sur la pointe des pieds en souriant