50 mots choisis par chacun des deux auteurs, puis regroupés aléatoirement par paire. De là naissent suites de poèmes et de textes autour de leurs photos venant illustrer chaque nouvel échange poétique.
Prière de ne pas déranger la lecture absorbée par son lecteur.
Il agitait ses longs bras géant commandant aux ombres avec cette insouciance des Dieux tout en lui repoussait les limites du bon sens son sourire planait trop haut la misère à bonne distance la voix du monde pour coryphée
lui seul détenait le secret du bonheur je le suivais sans réfléchir me reniant si souvent jusqu’à perdre sa trace au carrefour de villes imaginaires son secret irrévélé et ce silence pesant
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Tous les soirs, il répond à l’appel taciturne et embrouillé l’œil niais, la bouche pâteuse reportant au lendemain toute velléité d’exister
la journée, il ourdit des complots contre lui-même chaque rue devient son Calvaire la terreur de croiser le regard de trop sans pouvoir en contrôler la teneur celui qui en dit long même si à mots couverts
alors le voilà mime le profil modelé aux mouvements empruntés demain, il cherchera sa présence opacité inversée il rangera sa sensibilité par couleur pour ne choisir qu’un seul uniforme celui qui lui redonnera toute transparence luminosité sans reflet, ombre sans forme
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Tu l’as écrit si souvent dans des récits minuscules et aujourd’hui qu’elle se présente enfin à toi tu feins de ne pas la reconnaître la coucher là, frivole malgré sa gravité pour mieux la repousser terre vaine l’eau du puits stagne depuis l’enfance seuls les rocs ruissellent encore entre deux averses quand le soleil n’est plus de cire tu ne veux voir personne seulement la cendre de tes cigarillos qui enlumine ton visage de vieux bonze la littérature te fuit et pourtant il ne reste qu’elle pour te sourire
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Vivre dans l’attente en « homme qui penche » refaire sans cesse le même chemin jusqu’à inverser l’ordre des jours et dans un éternel retour remiser toute espérance puiser dans l’absence les élégies des temps futurs
Grégory Rateau est un écrivain et poète français né en 1984 dans le 93 et vivant aujourd’hui en Roumanie où il dirige un média. Il est l’auteur d’un premier roman, Noir de soleil, chez Maurice Nadeau (sélectionné au Prix France-Liban et au Prix Ulysse du premier roman 2020) et d’un recueil, Conspiration du réel, chez Unicité. Ses poèmes circulent dans plusieurs anthologies et dans une trentaine de revues en France/Corse, Belgique, Suisse, Roumanie, Portugal et bientôt Espagne et Italie (Arpa, Verso, Place de la Sorbonne, Points et Contrepoints, Le Persil, Traversées, Bleu d’encre, Recours au poème…). Son nouveau recueil sortira le 8 novembre 2022 chez Conspiration éditions.
Avec « Océan(s) » Charles-Éric Charrier conclut une trilogie démarré avec « Outre-Camps ». Trois courts recueils d’une densité poétique remarquable. Océans(s) façonne des paysages peut-être plus intimes. Et cisèle des vers souvent bouleversants. Écriture en apparence abstraite, elle dessine une intériorité singulière, empreinte de spiritualité, d’un apaisement puissant. La forme, ensuite, de ces mots est saisissante ; ils construisent une poésie sans équivalent, se jouant parfois d’une grammaire établie, pour y établir des ruptures, une musique différente. Une approche presque visuelle pour mieux dessiner l’indicible.
Au-dessus du vide Jambes pendantes l’attraction fait peur tout peut tomber mes chaussures mon sac à dos et moi accrochée résistance des matériaux flâner devient fluide de l’air odeur et silence le vide n’est jamais que du vide