Vous êtes si nombreux – et ça continue et ça ne s’arrête pas – vous continuez à tomber comme les bombes explosant dans un grand fracas et un grand silence cependant !
Vous, vous tombez sans bruit, certains et certaines plus silencieusement que d’autres, et l’on ne vous voit pas tomber, on voit juste l’après, le déjà mort, le déjà trop tard…
Comment individualiser ce vous,
comment s’adresser à chacun et chacune d’entre vous,
comment vous dire, dire vous à un vous unique entier et vivant
comment trouver le sens de votre trop courte vie
mais vous êtes si nombreux
Comment faire dans ce grand charnier du monde ?
Ça fait désordre , des sous-groupes ?
Rangez-vous les morts!
Ici les morts dans la rue, là-bas morts sous les bombes à Gaza ou à Kharkiv, ici et là les morts de faim à Gaza, Haïti, au Soudan ou au Mali, – et tant d’enfants qui auraient dû jouer à la guerre plutôt que d’en mourir – ici et là des femmes mortes sous les coups des hommes qui portent encore ce nom – ici des morts-vivants souffrant de la vie, malades ou usés, et qui voudraient mourir, ici et là des morts par ce qui aurait dû les faire vivre, le travail, des suicidés au bout du harcèlement, tués par ce qui aurait dû les faire grandir, l’école le collège, là-bas toujours les morts de faim dans les ruines…
Oui vous êtes si nombreux à mourir avant ! Avant d’avoir vécu ce que vous auriez dû vivre ! Citer vos noms ne vous ramènerait pas à la vie. Un nom, un seul pour vous tous, émerge tout de même, et ce, au milieu de l’abondance et du luxe du festival de Cannes, celui de la jeune journaliste palestinienne Fatma Hassona tuée à Gaza le 16 avril dernier ; un documentaire filmé par la réalisatrice Sepideh Farsi, « Put your soul on your hand and walk » sortira sur les écrans à la rentrée prochaine pour montrer la vie qui aurait dû continuer.
Nos pleurs et nos cris de colère ne suffisent pas à couvrir ce silence, le silence de ceux qui savent mais, de ceux qui pourraient mais, de ceux qui ne savent que ce mais…
Et ce texte aussi, pleure et crie dans le silence.
Et ça continue…
Vous êtes si nombreux !
Et l’un d’entre nous s’écrie : Alors qu’est-ce qu’on fait ?
« Mets ton âme dans ta main et marche »
Texte : Christine Zottele
Note des Cosaques des Frontières : ce texte a été lu par Christine Zottele, lors d’un rassemblement pour la paix. Il s’agit d’un texte littéraire et d’opinion, dans un contexte mondial saisissant de violence et d’incertitude. La poésie est également un regard singulier posé sur la réalité. Les Cosaques, à titre personnel, ajoutent à cette liste terrible de victimes de la folie politique, les personnes emportées par le terrorisme, bras armé des incendiaires.