Le dialogue qu’instaure Bruno Green entre lieux de Lisbonne et textes, résonne comme les pas d’une marche attentive et profonde. Au fil des visions capturées – échappées de l’instant pour devenir les traces intemporelles d’une ville mythique, qui balance entre les époques, la lenteur et une modernité distante – Bruno Green déroule une poésie sidérante de justesse. Une poésie qu’il semble littéralement recueillir des murs de Lisbonne. De cette ville hypnotique, prise dans un espace-temps définitivement à part. Flottant presque, à l’écart d’un monde vibrionnant.
Il en restitue l’identité indéfinissable, et plonge ainsi dans sa propre géographie intérieure. Ce voyage géo-poétique, et contemplatif, s’inscrit dans la tradition littéraire d’une métropole bien plus qu’inspirante. Mais plutôt inépuisable matrice oscillant entre douceur et étrangeté, lumières tour à tour aveuglantes et apaisantes. Le texte « Na Sua Luz – Dans ta Lumière » de Bruno Green, premier volet d’une trilogie portuaire, est à son image. D’une intensité et d’une beauté inépuisables et déroutantes.
Yan Kouton
Extrait
« Al-Ushbuna, nature immense avec excès de ciel, massive et placide. À mes pieds, ta vieille ville repose, un temps de retard, une tranquillité d’avance. Tes pavés de basalte monochromes dessinent avec douceur les vagues de ma mélancolie, alors que les jacarandas explosent en camaïeux de bleu, de rose ou de mauve ; dans quelques jours, des pas polyglottes et insouciants fouleront un tapis lavande«

Entre ciel en perpétuelle transformation et puissance d’un fleuve omniprésent, Na sua luz est une déambulation à travers un dédale de rues et ruelles, d’escaliers et de passages ombreux, dont on peine à reconnaître la cartographie comme celle de la ville qui s’offre ou celle d’une intimité chancelante, dans un récit qui prend le parti de proscrire certains mots à l’exotisme trop avidement anticipé. Comment, au terme de ce dialogue avec la cité, masse minérale olympienne, tantôt accablée d’un feu astral, tantôt otage de déluges dantesques, dire ce qui a été enseigné par le retrait, le manque et l’absence ? Quelle improbable félicité fera que le jour d’après ne ressemblera plus au jour d’avant, et comment renouer des liens dont nous avons tant désiré nous affranchir ?
Bruno Green / Lisbonne, Portugal / novembre 2016
Na sua luz est une traversée poétique de Lisbonne, où la ville devient le miroir d’un monde intérieur, théâtre d’une méditation sur le temps qui s’effiloche. Dans une langue dense et musicale, l’auteur mêle observation sensorielle et réflexion existentielle, explorant la fragilité du temps, l’érosion de la mémoire et un désir obstiné de sens. Loin des clichés pittoresques des marchands de tourisme, la ville y apparaît comme une figure ambivalente, à la fois tendre et insaisissable, amante blessée, sentinelle oubliée, sanctuaire de mélancolie baigné de lumière mais rongé par l’oubli. Entre prose poétique et chronique intime, ce texte s’inscrit dans la lignée de Fernando Pessoa, Italo Calvino ou Claudio Magris, et affirme une voix singulière, profondément incarnée.
Michel Baillargeon – Lecture critique – février 2025
Na Sua Luz – Bruno Green – Editions QazaQ – Collection Maison Poésie Brest – ISBN : ISBN : 978-2-492483-69-1
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