
Il est de ces lignes qui traversent la matière, la découpent en tartines de vie tendre, on y étale nos confitures de ciel. Tout ce qui a germé dans l’ombre, tout ce qui a mûri lentement au soleil puis s’est confit de s’être à demi évaporé
Des tartines à plonger dans le lait de l’enfance, dans l’amer de la vie, dans l’eau tiède de nos doutes et dans le miel de nos consolations
Il est de ces lignes de fuite qui loin de nous dissoudre nous condensent, font de nos moments de rien une existence, un destin, un bateau voguant vers le loin, vers le beau.
Quand l’infini semble à portée de main, quand ta barque te mène vers les îles aux trésors, il suffit de tes yeux pour y voir, de ta peau pour chemin et de ta langue pour émouvoir.
Il est de ces lignes qui se rencontrent pour ramener ce fatras de cordes et de voiles, ce bazar suspendu dans le vide, cet enchevêtrement de toi-même, à l’essentiel.
Reliant ta terre au ciel, tes racines à tes rêves, tes mains vers d’autres mains frêles, ce sont les guides touristiques de ton voyage terrestre, ce sont les boussoles de ton navire fantôme.
Il est de ces lignes que l’on trace sur le papier comme goutte la poche de sang du transfusé.
On lance par-dessus bord nos mots en espérant qu’ils flottent
On lance nos ancres lourdes de souvenirs en espérant toucher le fond
Tout ce que l’on espère sauver de l’oubli
Tout ce que l’on oublie en choisissant d’espérer
Ces traces luminescentes qui tournent dans nos nuits, faisceaux tenus de nos lignes de flottaison
Un fil
un filet de pêche
un mât à ton désir émacient
Ton ciel séparant le cyan du blanc
Texte/Illustration : Magali Simon
Il est de ces lignes
qui jamais ne se réconcilient.
Elles se croisent et s’écartent,
découpent l’azur et parfois s’y perdent.
Les suivre est une tentation,
mais on ne sait où elles se dirigent.
Veulent elles dire quelque chose,
dans leur calligraphie en fuite permanente ?
Elles débordent du cadre, de la vision,
suspendues, insolentes.
Les plus soumises s’expriment en pointillés,
sur les routes, interrompues par les caprices du terrain.
Pour autant elles participent à une abstraction,
attirées par les points de fuite, que ne maîtrise même pas la perspective, contradictoire aux lignes de rêve,
qui nous emmènent au-delà du visible….
Merci René!