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apatride, mère sur son lit de mort

tous ces jours
en bols de grains de riz et feuilles de thé
à croire aux esprits et sornettes des terres rouges du Mékong

tous ces jours
elle a traîné sans poser à bon quai …le sac
des répits de sa destinée, elle allait sans savoir
sur ce chemin des traverses d’une fortune
d’une fumée d’encens là-bas dans un temple à Saïgon
pour un sort jeté à terre par des baguettes de magie
dans une mélodie des siestes et moites ventilateurs
elle est partie
têtue de l’éternité d’un écrit d’empan
dans l’oubli du sexe de sa vie
autant en emporte l’indigène mousson
toujours

tous ces jours
elle a enfermé dans un secret d’autel… ses ancêtres
et ses envies à embrasser les âmes sans domicile
d’un sol en offrande aux singes et démons des banians
pour les génies de ces plateaux de Cần Thơ frais et humides
de mille racines aux senteurs de la jungle
aux chants des mendiants et marchands de grillons
elle est partie
en orbites de chimères et dragons
à l’écart des esprits vengeurs
autant en emporte l’indigène mousson
toujours

tous ces jours
elle a traversé ces années de tigres et… serpents
aux tornades des typhons, à une mer de Chine à vouloir
envahir le delta de son père et du Tonkin
dans les jeux interdits d’un boulier des averses
pour des images orangées aux rebords dentelés des souvenirs
dans une traction noire décapotable de là-bas
elle est partie
à ce lac des soupirs à la résine de pins
à la conquête des beaux quartiers
autant en emporte l’indigène mousson
toujours

tous ces jours
elle a porté et levé haut sa lanterne… une lueur
au dessus de sa tête argentée elle s’enfonça
dans les horizons blanchis
en souffles timides du silence de ses pas
et l’haleine des mots toujours craintive
pour une fois égarée de ses proches
elle est partie
obstinée de ce refus d’un à-jamais
par l’oubli d’un au-revoir
autant en emporte l’indigène mousson
toujours

tous ces jours
dorénavant à guetter les nuits et le vent
à humer les parfums d’une maman
au temps qui emporte mon indigène mousson

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Texte et croquis : l’apatride