Rousseau singes

Je cherche les mots. En ce début, ce début de… sans complément défini. Année, saisons, couleurs. Ils avaient déserté certains espaces, ils se sont habillés d’habits nouveaux et je ne les ai pas reconnus. Ils se sont joués de moi. Tous ces mots, j’ai soudain entendu leur bruit dans le grelottement du matin. A peine défroissés. Claquements d’ailes. En rythmes, en sound music. Ils affleurent, venus du silence. En archipel. Autour de la source du rêve, paupières de la nuit, jaillissement, fleur de sel des pensées intimes. Piquantes, irritantes alors qu’on les attendait de soie. Douceurs velues. Sauvages. Epines buissons, métamorphoses.

J’imagine alors un dispositif qui capturerait les mots. Surtout ceux que je ne comprends plus. Fissurés d’étrangeté car devenus seulement sons. Et puis les mots, les virgules, les respirations. Soudain ce laisser aller qui relâche les phrases. Et donne le souffle au vent pour que reviennent la langue et puis ses mots.

Oh oui, un filet à papillons qui attraperait à chaque passage le vol des images. Un dispositif, un vrai. Enfin. Pour la vie. Qui donnerait espoir à la fatigue du travail, à ceux qui s’épuisent et que désespère le matin.

J’aime cette région du silence. Mais n’en jaillirait-il qu’éructations, vomissements, crachats et volcans ? Serait-elle aussi, le cercle contemplatif des amants de la chair des mots, de la langue en sa rondeur féminine, où poussent « les âmes amies », « les vieux rêves oubliés » et « les airs qui swinguent » sur leurs chemins de traverse.

klimt_while_waiting_for_adele_bloch_bauer

Merci Jan de cette terre créée par votre blog des cosaques réunis. Les textes y arrivent. Un mot me revient je ne sais d’où : «  les messageries maritimes ». Sur une pancarte dans un port avec la marée en toile de fond. Il s’y échoue des lettres. Certains matins y tremblent l’aubépine, la rose de noël, la jacinthe en ses tons dragée. Et leurs notes croquent sous la dent. En des goûts qu’on ignore. Bleu delphinium, caramel orange et puis gingembre, boîtes à épices d’une mémoire réinventée. Il y déambule alors, en rythme de fond, basses continues, la nuit noire de l’encre où trempent des trouvailles.

Arabesques.
Sur page blanche.
Petits rêves frappeurs.
Espoirs.
A la porte des écrans bleus.

Texte : Lanlan Huê
Images:
Henri Julien Félix Rousseau Paysage exotique avec singes jouant, 1910.
Gustav Klimt, while waiting for Adele Bloch Bauer III (Pillemaster)