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Yakubu Gowon St

Le Bureau occupe quelques étages d’un immeuble dans la rue principale. Au rez-de-chaussée se trouve une banque. L’édifice manque d’une cour, donc au milieu des étages, il y a maints bureaux sans lumière naturelle. Ils sont séparés par des parois de fibre de bois mou qui puent par avoir été exposés à la fumée de cigarette  pendant des années et surtout à cause des pannes fréquentes de la climatisation. Avec les coupures d’électricité, les parois sont successivement mouillées puis séchées. Dans ces grottes humides et obscures, les géologues fixent leur regard sur leurs cartes et sections sismiques sous la lumière de tubes fluorescents ou de bougies. Car l’électricité se coupe très souvent, tous les jours.

On a décidé d’acheter un grand générateur électricité de secours. Stand-by. Nos hôtes nigérians nous font remarquer, avec un sourire, qu’après l’arrivée du générateur, dorénavant, on va appeler l’alimentation d’électricité d’État: ‘stand-by’. L’alimentation d”Etat s’appelle NEPA, Nigerian Electrical Power Authority. Ils l’appellent ‘Never Electrical Power Again’ (jamais plus d’électricité). Le sens d’humour des Nigériens est légendaire.

Le jour de mon arrivée dans ces bureaux, les employés près des fenêtres ouvertes appellent les pauvres des grottes internes pour venir tout de suite, pour regarder un événement qui se passe, apparemment, quelques fois par semaine. Quelqu’un est sorti de la banque après avoir retiré de l’argent. Le malheureux. Car ces créanciers l’attendent dans la rue et lui sautent dessus entre l’embouteillage permanent. Une bagarre énorme. Les chauffeurs se mêlent dans le conflit, il se forme plusieurs parties. Arrive la police avec leurs matraques. Partout on se penche aux fenêtres de tous les immeubles et applaudit en encourageant les lutteurs avec enthousiasme.

Pendant la matinée, je fais connaissance avec les toilettes. Très modernes et propres. Au mur derrière la lunette, un papier: ‘No squatting’ (pas d’accroupissement). Par la fenêtre je vois que derrière l’immeuble, il s’est établie une petite ‘usine de matelas’ en plein air, utilisant nos anciennes cartes et rapports déchiquetés que nous mettons à la porte en grand sacs poubelle.

À midi on sort pour le déjeuner dans un petit restaurant. On sert une minute steak assez  coriace. Pas de problème pour les mâchoires, car une minute steak est coupé si fin qu’il devient transparent comme du papier.

À la fin de la journée, on rentre au parking, chez nos protecteurs, qui nous aident avec beaucoup d’égards en stoppant le trafic pour nous. C’est du  service ‘all-in’. Je commence déjà à m’habituer un peu à mon environnement nouveau. Il n’y a pas d’alternative.

Texte : Jan Doets