Nous reprenons en ce début d’année la publication du projet poétique réunissant David Jacob et Eric Tessier. Intitulé « 50 photopoèmes et textes ».
Des photos autour d’un projet poétique faisant la part belle au hasard autant qu’à la synchronicité :
« 50 mots choisis par chacun des deux auteurs, puis regroupés aléatoirement par paire. De là naissent suites de poèmes et de textes autour de leurs photos venant illustrer chaque nouvel échange poétique. »
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Va jusqu’à l’arbre Et monte la garde. Au-dessus Il y a la cabane Et nos serments Dessous mille villes Des sarbacanes Et nos errements.
Il faut des fils aux racines au tronc des branches au nid l’oiseau aux ailes le ciel à la liberté tes mots.
50 mots choisis par chacun des deux auteurs, puis regroupés aléatoirement par paire. De là naissent suites de poèmes et de textes autour de leurs photos venant illustrer chaque nouvel échange poétique.
Prière de ne pas déranger la lecture absorbée par son lecteur.
50 mots choisis par chacun des deux auteurs, puis regroupés aléatoirement par paire. De là naissent suites de poèmes et de textes autour de leurs photos venant illustrer chaque nouvel échange poétique.
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Le lundi, c’était à celui qui dénicherait un nouveau livre, un nouveau disque à raconter. Nous étions sur le muret de l’école. Déjà tes yeux et ton sourire me faisaient deviner notre amitié et les chamboulements de mon cœur.
Le directeur, M. Propre, ex-pater familias d’une petite école d’Haïti, était un dénicheur de bêtises, une tête chercheuse qui de son bureau sentait les complots se fomenter jusqu’au bout de la cour de notre collège privé du Centre-Bretagne. Mon copain Jean-René, grand fan de Lloyd Cole and the Commotions, qui m’avait fait découvrir les premiers albums d’Aztec Camera et de Fra Lippo Lippi, me rendait visite lors de la pause déjeuner. Lui était un électron libre de l’école publique, dite l’école du diable située chez les bidasses de Coëtquidan.
Un vent de liberté passait les murs du collège à chaque fois qu’il venait me voir pour faire du « trafic » de cassettes enregistrées autant que parler des Smiths, du handball et des filles du collège. On s’asseyait sur les petites marches qui menaient à la grande salle d’examens, dite la salle de torture (qui était aussi la salle où s’entreposaient anarchiquement nos sacs et cartables lors des quelques récrés journalières). Un jour de printemps trop beau pour lui, notre poisson nettoyeur qui avait constaté la visite régulière de Jean-René, se décida à venir alpaguer l’intrus pour le prier de quitter l’enceinte de l’établissement. Jean-René qui n’était pas sous l’emprise de son diktat et de ses protocoles imaginaires inventés sur-le-champ, se releva subitement et avant de s’en aller, lui rétorqua d’un ton sec et ferme : « Qu’est-ce que l’on fait de mal, hein ? Franchement, c’est ridicule, on se croirait ici dans une prison. » Pris au dépourvu, M. Propre lui lâcha à demi-mot un : « Je sais, je suis désolé. » En ce début de printemps, le verre de l’aquarium du collège, cœur sacré du sanctuaire pour algues desséchées et menu fretin craintif, avait été fêlé.
Souvenons-nous souvent pour ne pas oublier, répétons chaque mot important, en marchant, en courant. Il faudra bien sûr saluer des gens entre-temps mais faisons comme si de rien n’était, saluons-les tout en continuant de nous souvenir, de marcher, seul le reflet pourrait bien faire tout s’écrouler. Le doux piège de la lumière venu après une nuit et si peu de pluie pourrait bien nous faire chanter.
Reflets que l’esprit
ne peut plus lire
qu’à l’envers
et déformés
sur les parois
liquides
d’une broche
à l’épaule
inconnue
Mystère à terre
du hiéroglyphe
sur un rouleau
de papyrus
50 mots choisis par chacun des deux auteurs, puis regroupés aléatoirement par paire. De là naissent suites de poèmes et de textes autour de leurs photos venant illustrer chaque nouvel échange poétique.
50 mots choisis par chacun des deux auteurs, puis regroupés aléatoirement par paire. De là naissent suites de poèmes et de textes autour de leurs photos venant illustrer chaque nouvel échange poétique.
ÉCREVISSE / TUYAU
Il pêchait les écrevisses avec un tuyau. C’était bien après la première sarbacane mais il en était resté à cette technique. Personne ne pouvait rivaliser avec lui. Il attendait la nuit, le silence et s’enfonçait en quelques clapotis. Et comme sa pêche était raisonnée, il n’en pêchait que quatre à chaque fois, pour nourrir sa famille. Au petit jour, tout pouvait recommencer avec les autres pêcheurs, lui se reposait, écrivait et poursuivait sa lecture du moment. On l’avait surnommé « le pêcheur qui n’aimait pas les flèches ». Un jour, je vous raconterai comment la vie l’a quitté.
Une écrevisse avait trouvé un bon tuyau pour se la couler douce avec un marin d’eau douce justement qui divaguait depuis des lustres et commençait sans jamais les terminer d’ineptes conversations en tire-bouchons dans des trainées de calembours labyrinthiques. « Comment vas-tu yau de poêle ? », répétait-il, par exemple, à tue-tête à l’écrevisse bien au chaud dans son tuyau VPC. Les postillons s’accumulant à travers le bout de cylindre, c’est bientôt une marée de bactéries qui inonda sous forme de gros bouillon la planque du décapode. La bestiole dont les moustaches commençaient à friser plus qu’un peu eut bientôt voulu s’extraire de cette relation pas franchement saine. Cependant, la routine aidant, une forme de symbiose s’installa au sein et autour de ce micro-monde qui allait, suivant le degré d’alcoolémie dans l’haleine, des options à l’étuvé, rôtisserie, chaleur tournante et j’en passe, lorsque notre zinzin se remettait à ouvrir sa bouche dantesque. Au bout d’un moment, drôle de surprise, la grisâtre crevette se transforma en somptueuse créature hollandaise des plages de Palavas, couleur rouge homard cuit à point, l’accent batave en moins. Cette métamorphose ne fit qu’émoustiller davantage l’huluberlu en question qui continua de conter fleurette à son hôtesse des mers et ce, de façon de plus en plus façon cloporte des plages : « Une souris verte qui marchait dans l’herbe… Ça ferait un escargot tout chaud, ha ha ha ! ». Ce rire sardonique fit écho de longues secondes dans le tube en polyéthylène tant et si bien qu’il finit par imploser sous l’effet de la pression (il n’y avait pas de soupape de sécurité sur ce modèle) ! Quand bien même notre écrevisse catapultée tel un homme-canon sortit indemne de ce mémorable accident, elle promit qu’elle ne se laisserait plus jamais manipulée ainsi et qu’un vaste océan d’incertitude valait mieux qu’un confort préfabriqué s’il s’agissait d’être sous le joug d’un impitoyable illuminé. D’ailleurs, elle ne revit plus jamais le vieux mousse d’eau douce qui s’arrêta d’écluser net suite à la disparition du tuyau et de sa locataire, se jurant de ne plus jamais mariner dans les yeux d’une crevette en lui contant fleurette, tant sa perte fut grande : « Adieu, Natantia, toi que j’aimais tant ! ».