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~ refuge pour les dépaysés

Les Cosaques des Frontières

Archives de Catégorie: Anna Jouy

De feuilles qu’une fois – extraits

06 lundi Sep 2021

Posted by ykouton in Anna Jouy

≈ 1 Commentaire

Il y a un portable dans l’orchestre. Il me croque la note. Un casseur de mer, un joueur de grelots, refoulant sur la plage ses frelons.
Quoi de la musique ou du téléphone s’est mis à voler ?
Est-ce une partition pour une poche revolver ? Est-ce un acouphène de civilisation, une incrustation contemporaine dans l’interprétation de l’air ?

Je n’en sais rien, sauf cette question qui met la musique sur le qui-vive et rend inquiet.


Parfois on vit ainsi dans les cernes d’une photo floue.
Une coque et puis la matière, les à-peu-près du corps ;
Je marche, je filme le hiatus. Je suis le voyeur, un poète de lentilles.

Je ne me rejoins jamais.


Le poème d’aujourd’hui rentre après avoir bu le rire des camarades
Il tient les murs comme un corbeau sans augures
Proches les murs, petit l’oiseau
Il est d’une ivresse déroutée, il me cherche entre les cuisses, sous le corps, sous le fluide des désirs ancrés.
Il ne vole pas, ce sont des plumes ordinaires, dégriffées sans portance.
Ailes appuyées sur le béton des joues dures.
Écartant la presse des voyelles, le sifflet des consonnes,
Un poème de gorge.

La soif, quant à elle, finit toujours en pirouette dans l’éther du sommeil


Tout se réalisera.
Cacher des tabelles entre deux pierres, qu’aucun mot qui veut sortir, qui cherche l’étendue, ne s’en aille mettre au monde sa prédiction !
Je voudrais quand même mille fois crier d’amour.
Gaspiller la floraison des camphriers. Couvrir ma tête de saveurs.
Je voudrais dire cette émulsion légère du bonheur.

Mais je mentirais et ne poussent que les herbes véritables.
Alors ma tristesse, qui est juste et essentielle, s’envole essaimer l’abandon dont elle résonne.

Pour vous procurer ce recueil, un courriel à l’adresse suivante :
editionsalcyone@yahoo.fr

Vous pourrez bientôt commander ce livre en librairie.

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Tomber du Ciel

15 dimanche Août 2021

Posted by ykouton in Anna Jouy

≈ 1 Commentaire

Tu connais maintenant la forme sans anicroche du temps. Il te fout la paix, ne préoccupe plus tes mains. Ton corps parfaitement adapté au moule de glaise. Tu es le citernant. Oui, la forme du temps est ronde, lisse, continue. Tu la sais comme tu te sais toi-même identique sans surprise. Là-haut pourtant le ciel passe et te reluque, espace variable. C’est loin comme une chute pesante. Tu es né de l’ombre pour tomber dans le ciel. La grande mosaïque de molécules qui te conçoit recèle des cosmos de bulles.

Dedans, Abel regarde Caïn, un œil qui brille comme un têtard dans une cloche de salive. C’est l’obsédante attraction de la zone bleue. Tu démarres, tu embraies la course, car tu as peur que le trou de lumière s’en aille, qu’il quitte ta tête. A-t-on déjà vu le ciel quitter les citernes ? Tu ne sais pas si la poignée de terre qui te ressemble peut changer la gravité du monde mais désormais c’est ainsi que roule et tourne ton univers. Il faut courir désormais, courser vite, baratter la vie. Alors échapper peut-être à la pesanteur souterraine. Il s’agit d’être de plus en plus rapide, de s’accorder au manège. D’égrener le pas au rythme du vent. C’est la prière du piétinement, qui tourne sur lui-même et de la force qu’il prend, l’emballement. S’élever. À la gouge du pas, tu marques le calendrier de l’ascension. Tu ne sais pas qu’encore longtemps tu seras ainsi agrippé comme une herbe dans les murs.

Les failles, de plus en plus. S’essayer à de sombres manivelles, comme on enfile des ruelles à la poursuite de l’ombre. D’une ombre qui dévisse. La route ouverte à chaque tombe de nuit, l’horizon dans la forme des lacets. C’est le temps fumeux de perdre ses habitudes. Le ciel met-il aux thermes sa déprime de saison ? Aurait-il d’autres saveurs que ce goût de mouillon qui a moisi l’étoupe ?

Lumière. Faire un geste de lumière. C’est quand tu es au bord de l’obscurité que tu te convaincs de refaire un essai, encore une fois. Mourir bien sûr, mais seulement par une nuit de paillettes et de lune ou alors remettre la lumière.

Tu te sens avec des bras comme des ailes de moulin, cherchant l’énergie dans le souffle. Tu étends tes manches, tu laisses gonfler. Ah ! Le souffle ! Tu parleras qui sait un jour, tu me diras qui sait peut-être. Pour l’instant, tu respires sans mot dire. Tu mouds le désert.

Tu confonds parfois le vent et le soleil, le frisson avec le feu. C’est de l’invisible et c’est dur de faire trancher le grain, la balle et le germe de part et d’autre. On t’a dit qu’il fallait le soleil plein, la chaleur, pour faire des dépressions ailleurs. Une loi de la nature. Météo de saisons. On partage ainsi les déséquilibres. Ta joie contre un peu de spleen lointain.

Parfois, tu te dis simplement que c’est ton tour de trou, que le mouvement passera. Tu as chauffé la vie en lézard. Il n’y a plus maintenant que de l’espace pour du vent. C’est le balancier des météos, toujours cette roue de fortune. Entre folie et sagesse.

Dans les crues du monde. Chaque feuille qui tombe s’adonne à l’air dans une danse muette. Le dernier baiser sur la scène légère des choses qui finissent ouvre la métamorphose. J’irai déployer mes nervures dans l’humus et sentir craquer mes veines à la force des pas.

Ce seront des cadences haut la jambe. Foulures de rotules et de talons, la charge brisera menu mon puits, avec ce bruit de bottes violentes ; ce sont des trombes de pluie quand même.

Là-haut l’oiseau amour écoute. Son appel m’anime, j’ai encore des âmes à vivre. Presque autant que de printemps de Prague ou d’œillets viendront à la Terre. Dans le langage cru du monde, à parole basse, je rejoins l’air en retenant mon souffle. La nuit sera offerte en sacrifice.

Oh ! Revoir la lumière.

Texte/Illustration : Anna Jouy

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Journal de mémoire – Extraits

12 mercredi Mai 2021

Posted by ykouton in Anna Jouy

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Cette année-là, il avait fait très froid. C’est ce qu’on m’a dit. Bien après, j’imagine en effet ces souffles glacés qui avaient serrés tant de gens les uns contre les autres. Parfois encore, maintenant, de courtes périodes doivent s’y apparenter. Il avait fait froid et j’allais naître, échapper au cocon de chaleur, dans lequel j’avais évité cette sensation presque moyenâgeuse de l’hiver. C’était une campagne retirée, un village, une maison et le ventre ma mère. Dehors il faisait froid, dedans j’étais. J’avais choisi ce corps, décidé de cette existence. Revenir ne me posait pas beaucoup de problème, si peu d’ailleurs que je ne m’en souviens pas. Et pourtant j’ai beaucoup de souvenirs, des nasses de souvenirs faits de couleurs, d’odeurs, de nuit et de bruits. Ce monde –là, où les gens vont jeter des boisseaux de coke dans un grand four pour avoir un peu de chaleur, où l’on remonte de la cave des combustibles pour les vider dans des chauffages à roulettes ou de tremblantes cuisinières n’existe plus, sauf dans ma tête.
Je me dis que ce sera facile d’allumer la lampe magique, facile de mettre des images sur ce temps. Facile de regarder ma mère, telle que je la vois sur le tas de photos qui sont à ma portée. Evident de voir mon père aussi, un peu inquiet sans doute. Il n’y connait pas grand-chose ou alors beaucoup trop et ce qu’il craint le retient de manifester sa joie et une certaine impatience.
C’est le mois d’avril. Ils se sont mariés au mois d’avril, il y a deux ans. Ils ont déjà un enfant et ils vont en faire cinq presque à la suite. Je suis là. Leur anniversaire de mariage approche et je patiente. J’ai prévu ça, être un cadeau. Une idée de venir avec une touche de génie, une marque indélébile. Je serais celle qui nait quand il faut, je serais celle qui allait faire tout comme il faut. Le vendredi 20 je sors, le sort en est jeté. C’est fait et bien fait.
Inutile de chercher à raconter cette naissance. Ce n’est pas que cela me serait désagréable. Mais on a beaucoup pensé que ma venue au monde n’était pas des choses qu’on pouvait partager. On est pudique. On serre les dents en silence, on évite de mettre son corps en avant, sa souffrance, son impuissance, sa révolte. La douleur, le sang, le fait d’avoir dû ouvrir si grand les jambes, tout cela ne devait pas être dit. J’ai essayé parfois de les pousser à l’histoire. Mais pour tout il n’y avait rien à dire, ni aux enfants nés, ni aux adultes à naitre.
Je ne sais pas pourquoi mais au fond c’est logique, je suis née avec un a priori positif. Je viens au monde avec le printemps. C’est de bon augure. La lumière, le soleil qui chauffe, les odeurs des tilleuls, que j’ai revus il y a peu, toujours là, plus de cinquante ans plus tard. Il y a ce printemps qui est beau, qui est doux, et qui semble être la seule promesse que la vie puisse faire à celui qui va se frotter à elle.


Frottoir de vent. Araser la coupe, par sections sages d’une transparence sans accroc. Ah ! Ces montagnes déchirées qui mordent dans le passé. Araser du plat de la main si j’en avais la force. Perspectives ricaneuses. Gestes symboliques de cette faux qui m’arrangerait bien. Compter sur le vent pour effacer. Et dans la tête aussi.
Quand mon cerveau ne sera plus qu’un dédale pour l’air et la chanson. Est-ce que je ne confonds pas le désagrément de vieillir avec une ascension atmosphérique ? J’ai l’esprit de plus en plus léger, chambre de Faraday protégée des orages, l’air se dissout vers des pays de grêles peut-être. Et je songe avec un peu de gêne que je deviens indifférenciée particule d’un état comateux où les mots ne parlent plus mais dansent au moindre commutateur.
Je crains d’invisibles arcs toujours mais l’instinct de vivre est un contrat tacite qu’il serait loisible de reconduire ou non.
L’hiver s’est absenté donc dans la cage d’escalier. Concierge des méthodes Ogino. Ce n’est pas le temps à féconder des flocons, ma troupe de danseuses blanches.
Encore cette chaleur inquiète qui cache dans son dos, le futur printemps sans lumière ?
Petite grivèlerie météo. Il a fait bleu pendant deux heures, et puis tout a grisé, saoulerie de nuages. Je regarde beaucoup par la fenêtre. C’est comme aller au port au fond, là où l’on range les bateaux dans de longs étuis- on dirait les crayons de ma table, ou le contraire.
La météo quel sujet ! On a des espérances, des appels d’offre, des exigences…
On a rarement ce qu’on veut. J’ai envie de dire j’ai froid mais c’est en fait, juste envie d’avoir plus chaud


La maison sera plus simple à décrire, bien plus que tout le temps que je passe à acquérir viande et mots, ma première année. Je vois en somme que je suis. Que je porte des cheveux bouclés que j’ai les yeux ronds, que sitôt qu’on devait m’appeler je retournais la tête, la bouche entre ouverte prête à sourire ou à pleurer. Ce sont des paramètres que je ne maitrise pas, si peu. Pourtant quelque chose va se passer. Quelque chose de captivant, je vais ouvrir les yeux. Oui j’ouvre les yeux, cette sensation est là, étonnante de clarté et de l’importance que je lui trouve. J’ouvre les yeux, cela ne va pas durer. Après je replongerai dans le noir pour longtemps encore et rien ne marquera plus ma mémoire. C’est un après-midi, peut-être est-ce le matin je n’en sais rien. Il y a une lumière que je comprends maintenant comme celle d’un après-midi de grand été. La chambre a des rideaux, des voiles, je les vois, ils bougent. Ce sont les tulles qui entourent mon berceau. Des voiles blanches mais grisées d’ombre, je suis couchée là, je vois le tissu. Et soudain une mouche est là. Elle va d’un bout de tissu à un autre, je la vois qui marche et puis s’échappe. Je suis couchée dans ce petit lit et un insecte m’ouvre à la conscience. Un insecte, qui durera quelques jours et peut-être moins sous les taloches de ma mère. Il m’ouvre les yeux, frappe ma mémoire et s’en va, comme une fée marraine qui active le don d’un coup de bâton

Successions d’improvisations. Ce jour n’a cessé de jeter dans le cirque ses petits martyrs. Impromptus, missions à renier dare-dare : on doit on peut on fait. Tout ça dévoré par le temps !
Cette société qui a besoin de médiocrité partout pour installer le malléable, homo manipulatus. Conformations reprises, injections du penser prémâché. Chacun enfile ses voies de garage, peut-être d’ailleurs les seules supportables car comment se sentir encore vivre quand tout autour, on vous désherbe, vous empilule, vous modélise. La meilleure issue possible est souvent d’abandonner, pour ne pas virer fou.
Ou alors faire un club où l’on marcherait en diagonal ?
Tout le monde n’est-il pas comme tout le monde ! On dirait qu’il n’y a plus au jardin d’Eden que des variétés de thuyas, rien d’autre… En plus pour faire joli rasés à hauteur de chapeau.
A quel moment, ce film deviendra-t-il peinture ?
Des images un propos un discours…oui tout parfois s’arrête et vous entrez alors dans un tableau.


Me sentir prête, vêtue coiffée, – le ridicule ne tue que des espèces qui titubent -, prête, droite donc. Deviner qu’en moi, on le cherchera toujours ce précieux, définition d’un être avec des fils incertains. Tapisserie, sais-tu, je danse, murs bien cirés pour le parquet du bal ? Je danse comme l’araignée, du côté vertical des pas, et le crabe qui lui préfère l’horizon des tableaux.
Tu ne reviendras pas en arrière. Il est bon de porter le col dur. Empreinte légale sur le cadavre, j’ai mon étiquette à l’orteil. Cette morgue est un sac à bretelles dans lequel végète le monde, humus empli de graines (graines de stèles, de tombes et de tumulus à fleurs vivaces). Seuls pousseront des granits et des monceaux de gravats, ce que tu veux.
C’est un regard posé un jour, tu le sais, qui stoppe la marche jusqu’aux statues de sel. Les histoires en sont pleines. La tête se détourne, évalue et renvoie le chant dans sa mort profonde. Il aurait fallu croire au chant et non en une image. Ainsi le temps prend des courbures irrémédiables.
Dans l’acier dort le ressort.
Je parle en vain, mais je me prépare chaque jour à revivre, sachant que le chant seul pourrait revenir, sachant que le sel aura été érodé lentement et qu’il n’existera même plus une saveur amère à téter doucement les jours de fièvre.

Des robes et des mirages, de quoi avancer nue… me souvenir dépouille. J’écosse des frissons, je chemine à découvert, le long des poutres aigres-douces d’un regard. Portes gauches, portes droites au taquet de la main, je fais le rabattage de canaux où s’esquivent des travées silencieuses.
Cette marche filait déjà du mauvais coton. je trame les doigts, un carrefour de phalanges et des roses des vents. Et puis le vieux temps par le judas, comme un œuf de pupille où s’arrondissent étonnées les plumes de la lumière.
Tout me revient.je débusque sous des arcades cochères, celles qui pliaient mes secrets la nuit venue, ces grosses bosses que je portais au dos.
Je me souviens de mes semelles crêpes, blanches, twistant sous l’hostie d’un réverbère, ce désir d’empocher des baisers. Rien qu’un seul, une fois, supplique de l’enfant roi.
J’y pense encore, drôles de souvenirs dans la soucoupe de tant de soirs, quand je me dévêts et du jour et de ma robe.


Ne pas aller au-delà du besoin ; l’au-delà marge sécuritaire. Après on est mort, ou perdu du moins.
Ne pas céder à la tentation plus, à la volonté disproportionnée de l’ajout, de l’inutile qui donne fausse allure et empêche les mains de bien sentir. Tant de choses en trop, autant dans la possession que dans l’esprit, modifiant et usant mes structures internes, ma force souple ployant bien sûr, juste avant le bris. Il y a en moi le même usage du nerf qu’il y a en la matière. Au-delà du nerf, c’est l’épreuve de trop, l’empêchement qui dévore la tronche. J’entends bien que la corde est à son maximum d’étirement, que revoilà dans chacune de mes mains cette brûlure interne du tiraillement qui appelle l’eau et le froid.
Au-delà, pas plus loin….
À quel moment dans l’atmosphère, l’écartement distanciel des molécules de l’air fait-il qu’on doive y aller à la ramasse, avec une raclette recherchant ce qu’il nous en faut pour être ?
Au-delà probablement noir, même si parfois on rêve en couleurs et que l’apparente nuit se revêt de floraisons lumineuses.
J’écris trop. Overdose qui gonfle mon ventre et pèse si lourd sur le texte. Trop et c’est pire que pas assez. Me retrouve dans la même fringale insatisfaite comme si avant, le vide et après le vide à nouveau. J’ai beau tenter d’imaginer un monde derrière le néant, je pense que l’irrespirable va avoir ma peau.

Texte : Anna Jouy

Photo : futura-science .com

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Hypnoses d’horloge (Extraits)

08 lundi Mar 2021

Posted by ykouton in Anna Jouy

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5

Table de travail. Ecrire à l’ombre, dans les tons de l’impromptu, au rebours de lumière. Écrire au poinçon dans les côtes. Parce que tout ce qu’il y a à dire est en-dessous de la Terre, enseveli et qu’il faut inscrire sa voix avec un soc et une fièvre de cheval. Serrer les épaules sur l’effort, ne pas dévier de ses graphies, du désarticulé langage et du recel d’âme ou du peu. Car j’en ai une qui flotte avec des racines et je tire mon boulet vers un sable poète, vers le bord de l’eau qui est la seule chose qui nous touche pareils dans la soif et dans le sel. Suis-je poète ? Mon balcon est un perchoir et me pencher sur le vide n’augmente pas mon vertige d’un second étage. Tant de galeries de fourmis tandis qu’il me faudrait chanter. Je lime dans le texte -mot choisi pour ce duel usure et vulgarité-, je ne saurais mieux faire que de fronder contre toutes mes convenances, atteindre un peu d’authentique, espérer qu’on désaccorde le train et que je saute sur une meilleure mine. Mais parler de soi ne construit pas de monde et me polischer à la mousse, à l’incessant rond sur la glace n’est pas encore utile à donner à l’autre sa force, sa puissance d’être et sa parole propre.

6

Heure du bain. Peut-être faut-il entre chien et loup mettre sa chair à fondre dans ce bleu où tombent finalement toutes choses. La fente crépuscule saignerait de l’encre et moi pareille, effervescence filandreuse emmêlée d’un taquet de guimauve. Peut-être faut-il mettre au trempage le blanc d’une coupe d’été, parmi des jonques de cobalt. Espérer voir se détacher fibre et fibre encore, les ficelles du regard, saucer l’azur et l’avaler tout cru. Esprit cannibale. Sieste. Le monde, je le croise au-dessus de ma tête. Les avions fusillent mon espace au bazooka. Grand filet de voyages explosés, mes cheveux en pétards. Je lis l’ardoise des passeports éphémères. Quand ils écrivent un A je crois qu’ils pensent à moi et je ferme les yeux en murmurant bonjour en toutes les langues que je sais. Moi couchée dans l’herbe, la ronde des trafics en l’air tourne tourne et m’enivre. Je marche encore sur les oiseaux mais il fait chaud, si chaud.je crains que leurs aiguilles ne percent bientôt mes baudruches et qu’il me faille redescendre en piqué, moteur coupé, cylindres serrés.

7

Avant la nuit mammifère. Il manque à ton idée d’évacuer des œufs et de perdre des plumes. Tu niches à poil, ta tête enroulée dans ton sexe, à naître et mourir sans cesse, mouillée, saignante. Sans la moindre coquille ni l’infime chrysalide. Tu vagis, tu épècles, tu désarticules ta nostalgie de ventre, anse faite à des promesses. Vivre semblait tenir debout, deux pattes aux cals durs. Maintenant il te faut changer de territoire, passé en mode volatil, poser ta masse chaude pour un troc de couleuvre. Sang-froid, maîtrise et l’iris fendu. Rêve éveillé. Je te forme sous la langue, te rumine à joues juteuses. Je te cause les crocs aigus. Tu as le cœur assis et mon âme sur les genoux. Je mastique tes gravures, la table en est couverte. Au couteau, au poinçon, à la dent de fourchette. Dans le rouge acryl de vieux augures. Je mâchouille le mystère que mes yeux ne descellent. Tu as dû laisser ton numéro pour me revoir. Mais comment le recomposer dans ces chiffres défaits. Mettre du sublime dans ces ossatures, mots, tous dépiautés là, pour allumer mes paniques de fille. Ne rien savoir me rend rage et chaîne. Je ferai de tout cela le parc d’acajous où s’apprivoisent les lacunes, l’écumoire épuisée de torpilles secrètes. Oui, la mer entre nous est un vaste boudoir, dressant sa tente entre épieux et pilotis. Une chambre anodine en plein corps où rêve le substrat des femmes. En suis-je encore ? Je ferai de tout cela un soubresaut, une volière de rames avec des ongles courts, l’interminable rendez-vous sur le carnet de cavales. Chaque fuite entre mes doigts est un sablier qui se meurt.

Texte : Anna Jouy

Gravure : Jean-Pierre Humbert

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Hypnoses d’horloge (extrait)

17 mercredi Fév 2021

Posted by ykouton in Anna Jouy

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1

Nouvelles du front. Une ceinture de cercueils et des enfants serrés, leurs pas laissent des traces sur les pierres, lunules stériles. Comme les femmes tombent, des femmes par milliers, par troupeaux tristes, par avalanche, dans un monde de lames, de férules aiguisées au fusil où tarissent leurs sangs. Le sang neuf de vie sous les voiles, ma main entre leurs poings, leur silence sacrement et la lutte captive. La peur est un faucon cagoulé qui tape dans le sein. L’urgence les pousse au plongeoir de l’envol. Ne sens-tu combien l’air leur est compté et qu’il importe de finir cette chasse, qu’il n’y a rien d’autre à bouffer sur le désert que ce cœur de feu qui fuit par tous les sables ? Ne sens-tu pas que le soleil les enfonce avec lui sous la terre, qu’il leur faudra tenir le ventre vide agripper la liberté à des arbres morts et que ce sera dans longtemps. Le temps de tout reprendre.

2

Aube et l’orage. L’horizon, cette tragédie en stuc collée à mon chapeau ! L’orage étire les sangles du baudrier funambule, compression des grimpées de température. Face à moi les buildings armés de la pluie, des stalagmites tristes en pleine effusion ; ils crêpent la lueur de quelques chevaux. Une angoisse cyanose la hauteur en osmose de ciel. Ma voix comme un caillot avalé tout cru du ventre. Tout voir tomber en gouttes, petit déj’. Matin, je squatte ton auréole jaune. Je vois, avec des éraillures, du grain à moudre en sciure tout le long des yeux. Bien au-delà des yeux, mes bagues rétrécies, le trou cicatriciel de me savoir encore. Matin, j’écale ton œuf avec des ellipses de dents. Te voici décalotté, implant de cuillère dans le vol des oiseaux. Tu coules de la lumière, petit Icare martyr et toute ta cire et toutes plumes, pour déglutir ma convulsion de liberté. Matin, perpétuel mouvement de la langue qui cherche à s’affranchir des lèvres, jusqu’à l’éclaircissement total, la blancheur du temps qui gît dans une coquille. La nuit est dans les joues. Avalée. Occlusion intérieure, les espaces sous sachets vides d’air. J’écrirai, peut-être, bientôt…juste un titre, à titre nocturne. C’est dans la moelle que les mots coincent. Entre les omoplates ce barrage noué. Je goûte en rongeant un os un bout mort. Ce doit être cette étreinte d’âmes qui s’estompent, ce moment où le corps frissonne dans les tonalités basses. Je suis dans le sang qui glisse vers ta chose. Jusque tard dans l’après-midi

3

Heure du thé. Je file à l’anglaise, feuille à feuille, et légère amertume où cuisent mes impatiences et mes vanilles. Le travail se délaie dans l’attente ronde, cousue d’aiguilles. Que de passes, que d’heures pécuniaires, que de trottoirs limés sans bavure jusqu’à cette sirène de fabrique qui fauchera d’un coup le contremaître des pointages. J’usine la sortie avec ma boule de voyante et une encaustique de repos au mérite. Déjà mes portes bâillent, mes courants s’aèrent, déjà j’esquisse une détente en chien de fusil sur la balançoire, je goutte, j’égoutte, je goutte, j’égoutte… Il faut sortir la boule à thé.

4

Visite de cimetière. Tu m’attendras, m’attendras-tu ? – Peut-être- bien entendu. Dans un jardin d’orages et de paille. Je viendrai en voilette parce que ma mère l’a dit et qu’il fait désormais un temps à sortir sa mère. Je marcherai sur l’eau, oh oui ! Elle aimait trop Jésus. Ce sera léger de la bulle d’acier ronde sans jamais éclater. Tu nous aurais pointée avec ta visasse, tout près de moi ou alors tout près de toi. De ce banc sur lequel tu dors tes mains dedans les yeux à y penser bien fort. Tu murmureras, murmureras-tu ? – Peut-être- bien entendu. Une litanie d’identités à ruminer. Qui voudras-tu créer, nous sommes tant à vouloir venir. Cela presse de mettre au monde le jet de ton désir. Ce sera fort, de la sève de racines, de dessous ta vie, de l’arrière-histoire. Tu nous aurais levée à force, à peine, de l’élan, dans lequel je dors paupières closes à te chercher.

…

Texte : Anna Jouy

Illustration : George Oze – Straircase Perspective

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