Les minutes se sont fossilisées
sur les parois des murs
métamorphosées
en moisissures qui gagnent peu à peu
l’étroit boyau de la cellule

A force de les scruter
elles deviennent veines
labyrinthes bleutés
chevilles de grand-mères arpentant les cimetières

On voudrait que cela ne soit pas
mais ce reniement mille fois appelé
ourdit sa toile dans un cerveau torturé
arrête le temps
qui ne s’écoule même plus
dans le sablier des peines

Entre éveil et demi-sommeil
les yeux mi-clos parfois distinguent
des rideaux de cils
qui tombent en frêles filins
fardant les barreaux de métal derrière la vitre froide

Ramures fragiles
au point de ressembler
à ces lisses lianes multicolores
qui obstruaient la porte de la cuisine
dans la maison d’enfance

Le soleil était derrière
il suffisait de patienter
jusqu’à la permission de quatre heures
garante du droit de franchir ces franges souples
qui fâchaient les oreilles d’un fouettement vif

Mais rapidement se dissipe le songe
la paupière fatiguée occulte peu à peu
les souvenirs du dehors

Il faudrait marcher
faire trois pas sur trois
comme l’on compte en mètres carrés
si l’espérance ne se glaçait
à force de lenteur
et si l’épeire jaune et noire
n’attendait
croix fichée dans le mur
que les fossiles se rapprochent de la paillasse

Dans un vain sursaut d’orgueil
les mouvements l’emportent
trois ou quatre enjambées
deux-cent cinquante fois le jour
avec des mains serrées sur elles-mêmes
étranges pinces inutiles
entre l’air vicié de la nuit
et la rosée oubliée des petits matins

Inexorablement les pattes de la fileuse
se sont faufilées
pour que l’ouvrage prenne forme
en un cycle infernal
où chaque fil issu de l’abdomen
fige l’haleine brumeuse du captif
aux larmes poinçonnées par les saisons

Dans l’ergastule tarentuléen
les heures d’agonie de la proie
dans les filets de l’ombre
équivalent à des années passées dans une geôle
à ne voir qu’un carré du monde
au travers duquel l’attente va de soie

Texte : © J-M Bollinger