Là où je vais personne ne peut me suivre.
Je suis un oiseau perdu dans un ciel trop grand, le bec pointu perçant la toile d’azur.
Mes ailes me portent au-delà du visible, là où la terre s’arrête de tourner, là où le temps se fige.
Je suis un fatras d’ailes brûlant dans mon sommeil.

Là où je vais personne ne peut me suivre.
Volatile aux ailes déployées, je suis soumis au vent. Mon cœur est un moulin qui tourne sur lui-même broyant à chaque tempête, les épis du soleil. Je me confonds parfois avec l’énergie du courant, n’ayant pas de bras, rien ne me retient quand je m’emballe.

Là où je vais personne ne peut me suivre.
Je suis un oiseau de nuit qui se découvre au grand jour. Je nage en apnée dans une mer inversée, j’en traverse la surface et m’enfonce dans ses sombres profondeurs. Je suis une plume se gorgeant d’encre noire, révélant à la lumière mes ombres en mots serrés.

Là où je vais personne ne peut me suivre.
Je suis propulsé à la verticale cherchant une ligne d’horizon, un toit à ma maison.
Il m’en aurait fallu de peu pour passer à côté de moi sans me voir. Oui j’aurai pu traverser le mur du son, sourd à mon propre cri. Et sans ta peau j’errerais certainement dans un désert épidermique que je prendrais pour un éden.

Là d’où je reviens personne n’a pu me suivre mais il m’a suffi d’entendre ton appel au loin pour arrêter ma course folle. À travers l’épaisseur de mon plafond de verre, j’ai senti ta main se tendre vers moi. J’ai senti son odeur d’herbe suant le printemps. J’ai été touché par sa tendresse enveloppant mon plumage d’une huile légère. Je t’ai aimé sans rien y comprendre.
Je t’ai embrassé comme on embrasse la vie terrestre après un vol transatlantique et j’ai compris.

Là où je vais personne ne peut me suivre mais je sais maintenant que même loin de moi, tu marches à mes côtés.

Texte/Illustration : Magali Simon