Je regarde le chantier En sentant les odeurs De la boulange… Tout flotte Scènes de la Vie Dansables La rivière est enflée ! Par endroit, elle Tourne sur elle-même
L’hiver de Charles-Eric Charrier ressemble à une lente et minutieuse observation. De la ville autour, de mille et un détails finement arrachés aux rues, aux passants, aux animaux qui peuplent la cité. Une poésie comme une voix intérieure qui ne s’interdit rien, comme ouverte en permanence. Cet hiver-là est une géographie intime, découverte au fil de marches patientes dont l’acuité ne cesse d’étonner et d’emporter. La poésie de « L’hiver » ne pose pas, ne se voit même pas écrire. Elle s’élance avec un naturel presque étrange et une beauté sans le moindre lyrisme. Et cela finit par ressembler à une quête. Une écriture qui se refuse aux effets, simplement et profondément présente au monde.
Du vent Dans la cafetière Des médocs À la propolis
Du gravier À la maison
Fluide Dans la Maison
Sur le fil De l’eau glacée Le gel Se forme À peine
Les fabuleux laconiques filles & garçon
Le bitume Est cassé Là où le tram Passe Des herbes Y trouvent Le moyen D’y pousser Là où le tram Passe
SINÉCURE
Le ciel Est découpé Par Autant De paires d’yeux Qu’il y a D’étoiles
L’eau, même froide Du matin !
Il y a des quartiers De la ville Dont je ne sais plus De quoi ils parlent ! À moins que ce soit Toujours de la même Chose… Terminé Là, je ne sentais Plus le corps ! Sans peur, plutôt avec Plénitude.
Sur vipère et poison Tu as fait ton temps Mutation
OCÉAN
Petit Charles + grand Charles = Charles Charles – moi (avec affection) = Je
Dans la pénombre Je regarde le jour Se pointer, le café Refroidit vite et mon Cœur bat lentement
Je ne le savais pas encore Mais préparation à un nettoyage de fond et d’hiver, au travers d’un package céleste !
La nuit fut rude et les invités/envoyés turbulents… Mais, la place est faite et l’Espace plus grand !
Peu importe que cela soit advenu à travers toi. L’obstacle a été avalé, sans gloutonnerie et sans vouloir s’en débarrasser
Il fait plus que froid et à peu près jour Tel un condiment au vinaigre Mon réveil ne sonne pas. Suis-je En retard ? Quelque chose ? Rien à cocher, pas de compétition, ni guerre déclarée ! Hum…..
Les grands fauves De la jungle Du bus
Prélude au retour À la maison
Aka du dimanche Industriel
Où est née Cette musique
Sauvage et libre
Cette époque donne envie de : … La rougaille du matin Légèrement épicée Concoctée la vieille Discute avec les papilles Et la Terre se goûte Elle-même
Le bananier, comme une peau de chagrin, se rétracte pour l’hiver. Mon gros orteil passe à travers maille de ma chaussette, mince de constat !
Le tronc du bananier, ce matin, sous cet angle, ressemble à un guerrier asiatique ancien.
L’énorme feuille balaie ce visage fictif d’un revers de vent.
Il ne reste, maintenant, plus rien de cette vision primitive.
Pendant que tu t’affaires à rien De gesticuler je cesse.
Un mélange d’odeurs d’andouille et de parfum Le bitume Sud de la rue Au soleil, le souvenir mental de lèvres rouges.
Dans une vitrine, de l’autre côté de la rue, elle sourit tout azimut ! Ici, l’alcool, doucement, socialement, coule à flots. Le calme du vin lourd, la légère distorsion de la réalité ! Vendredi et les femmes mûres.
Ce n’est plus mon style !
Cette route Est comme Une rivière Et sa clarté Évidente !
Je ne te vois pas Comme l’ennemi Que tu n’es pas
Rôti de boeuf Rôti de bœuf De bœuf De bluff
Un immigré Deux immigrés Trois immigrés
1000
Ds’amours Dl’Amour Amour Des hommes
Les cuisses propres Le Coeur en bandoulière Fendu de haut en bas
Sourire Sourire Rire
Écueils Eceuillire Justement ! Rire
Deux fois Plutôt qu’une
Parfois, pisser dans un violon Langage de sourds Oui, mais …. Alors ! Et ainsi de suite la cavalcade des conditionnements.
Quand c’est vu ! C’est vu
Repos et laisser descendre la tension
En haut En bas
En haut En bas
Il y a un petit sac En plastique, sur un bord de fenêtre, il croit qu’il a un bras, gauche, il me fait coucou…
Un petit moucheron De rien du tout, des vieux qui passent, comme le reste… Excepté Ça !
« Souple » recueil de Charles-Éric Charrier vient de paraitre aux Editions Unicité. On y retrouve cette langue pétrie d’éclats du quotidien, mêlés à des pensées, de simples observations, qui font poésie sans la chercher. Elle apparait comme une évidence. Entre des silences et des regards posés. Entre une écriture plongée dans le réel et ses échappées abstraites ou étranges. Là, précisément, où la langue perd pied pour s’inventer littéralement. Et se fondre dans le flux d’une vie intérieure, contemplative et sur le-qui-vive. Se laissant envahir par le temps qu’il fait, comme par une foule de détails environnants, qui transcendent, mine de rien, l’instant. Le chargeant d’une singulière et fascinante présence au monde. La puissance d’évocation des textes de Charles-Éric Charrier provient de cette association constante de sons et de formes, de chair et de spiritualité. Une association qui se révèle, au fil des lectures, inhabituelle, déroutante mais toujours juste. Signant une écriture poétique forte. Mais surtout neuve. Unique. Comme si Charles-Éric Charrier, en musicien et peintre qu’il est, retrouvait à chaque texte, ce qui préexiste dans le langage. Ce qui s’y est déposé. Décelant les signes intemporels partagés avec la musique et les images.
Extrait :
ORATORIO DU PAUVRE
Ce corps est un peu fatigué Et cet esprit calme Au moment du pont
Que dire ! Oui la chaleur par le souffle Translucide Les mains âgées de maman et parfois sa voix Clarté limpide Extatique, le dos droit… La mer
Fin août et la lumière rase
Oratorio en deux mouvements Et le pont entre eux Des pigeons D’une ruine à un bâtiment neuf
Le nouveau recueil de Charles-Eric Charrier publié aux Editions QazaQ, « COMME çA/çA COMME », est traversé par une contemplation étrange, empreinte de réflexions et d’observations d’une grande poésie. Mais d’une poésie lavée d’un lyrisme malaisant. On ne peut pas parler non plus d’un texte frontal, qui serait nourri d’effets trop contemporains pour être honnête.
Cette langue-là est irriguée d’une syntaxe à part, reflétant un subtil mélange de réalisme et d’abstraction. Le regard objectif sur un environnement minutieusement scanné, croisé à l’intériorité profonde d’un homme à la fois aux aguets et tout entier plongé dans les méandres de son esprit. Et qui semble se jouer du temps et de l’agitation alentours pour ouvrir des failles quasi méditatives mais d’une extraordinaire précision et acuité.
A noter que ce texte fait l’objet d’une interprétation théâtrale avec les comédiens Béatrice Templé et Bertrand Chollet.
Extrait :
Des frères en Vérité Cet homme qui fouille La poubelle, à côté de moi Est l’absolu Tout comme cet enculé de Banquier/assureur Et moi, mon Cœur, ton Cœur… N’a pas besoin de briller, juste être là. Quel monde Quelle chanson Quelle voix Tout est déjà poussière Obsolète. Alors : Vivons… D’un rien !
Je prends mes vacances au bout de la rue, sur un banc, région où tout l’univers est concentré en une seule goutte de n’importe quoi
COMME çA/çA COMME – Recueil de Charles-Eric Charrier aux Editions QazaQ – ISBN : 978-492483-51-6
Devant la glace j’hésitais entre la révolution – trop violente la destruction – c’était l’inverse la tempête – trop bruyante Je crois que j’étais toupie ou femme
Ces « Bulles de Sons », unissant les encres de Charles-Éric Charrier à l’univers poétique d’Aline Recoura, explosent à la vue, comme à la lecture. Chacunes des associations, au fil des pages, génèrent des émotions paradoxales, des correspondances entre dessins et mots. Ce qui frappe d’emblée c’est le dialogue qui s’instaure entre les abstractions de Charles-Eric Charrier et les poèmes ancrés dans la réalité transcendée d’Aline Recoura. Les encres agissent comme le déclencheur, ou le miroir inspirant, de textes innervés par l’expérience. Une poésie ultra-sensible qui semble décrypter le mystère des toiles, en les transportant dans l’univers du langage. Comme si, à rebours par exemple de la démarche de Bonnefoy, Aline Recoura prenait appui sur l’abstraction des encres de Charles-Eric Charrier pour retranscrire des expériences vécues dans l’immédiat – qu’elles soient sensibles ou concrètes, intérieures ou réelles -. Elle parvient pourtant, comme Bonnefoy, à incarner dans ses textes une présence au monde, et à nourrir le langage de l’indicible. Ainsi « Bulles de Sons » éclairent le lien qui unit la poésie et la peinture, et la formule d’Horace, selon laquelle « un poème est comme un tableau ». Un voile de mots accompagne les représentations de Charles-Eric Charrier qui, à leur tour, offrent aux poèmes un supplément d’absolu. Comme si le rapport aux lieux, au temps, aux autres que développe Aline Recoura se fondait dans la quête spirituelle du peintre.