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Les Cosaques des Frontières

~ refuge pour les dépaysés

Les Cosaques des Frontières

Archives de Catégorie: Anh Mat

Comment Ecrire

31 samedi Juil 2021

Posted by ykouton in Anh Mat, Gwen Denieul

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Que reste-t-il de celui qui porte mon nom ? Que reste-t-il de l’enfant que j’ai été, que reste-t-il du vieux que je serai. Où sont mes deux mains mitraillant le clavier? Ont-elles disparus ? Où est mon corps ? Où sont les pages où saisir les fragments du temps éprouvé ?

Je suis l’antenne qui capte tout ce que la ville émet. Que reste-t-il de mon humanité dans une après-midi pareille ? Je ne suis plus qu’un récepteur vide. Je ne suis plus que des sens aux aguets, je suis une chose parmi les choses, une chose qui traine le corps d’un homme qui n’écrit plus.

Des journées entières à ne pouvoir ni lire ni écrire. Regarde ta vie, ce qu’elle est devenue. Le vide autour duquel tu tournes. C’est la peur elle-même qui te tue

La journée n’a pas encore commencé et déjà savoir que je n’écrirai pas. Des années que je traine cet état. Chaque regard dans le vide se cogne à l’horizon intérieur. Je suis une attente qui n’attend rien. Même le ciel donne sur une impasse.

Le monde épuisé se décolore. Les bouches se ferment. Les visages s’effondrent. Au creux de ta paume, des phrases pour incendier le présent et refaire l’avenir.

Seul dans ton insignifiance, tu espères en des choses que tu ne connais pas, tu crois en des choses que tu ne comprends pas. Des phrases à peine conscientes. Des phrases enfantées par la nuit et englouties par elle. Des phrases pour chuchoter

Aujourd’hui, je vais m’asseoir devant une page qui restera vierge, comme tous les jours. Le bruit de la ville remonte à mes oreilles. Je ne sens rien, même l’angoisse me manque. Je fais parti des choses, au même titre que le ventilateur, je brasse de l’air. Je lève la tête un instant de l’écran, redeviens quelqu’un sur la chaise. J’ai à nouveau un corps, des mains, un clavier ! Je reprends peu à peu connaissance, oui ça va mieux, je viens de me vider. Derrière mes pas le bruit de la chasse d’eau tirée. Je suis le déchet d’homme qu’il reste à mon absence pour exister.

Tu t’enfermes dans ta nuit. Je vois ta solitude, je vois ta folie. Et tout ce que tu t’imposes pour ne pas sombrer entièrement.

Mâche ta solitude, soigne chaque instant. Survivre est un art comme tout le reste.

Comment écrire, écrire la fourmi qui monte sur les mots encore frais, écrire sa trace sur l’écran après l’avoir tuée. Comment écrire le verre de café plein, le verre de café vide. Comment écrire le genou qui remue, les mains préoccupées, le regard lointain. Comment écrire l’enfant qui regarde par terre et tape dans une cannette à bout de nerfs. Comment écrire la mouche qui vient de se poser au coin de la table. Comment écrire son envol suite aux secousses que mes doigts provoquent. Je pianote un clavier invisible. Où sont mes mains ? Où est mon corps ? Où est mon ombre qui s’en va sur le mur ?

Aucune modification perceptible du décor et pourtant les morceaux de nous qu’on perd.

Journées de cendre et de poussière, indiscernables. Journées sans visage qui vont devenir toute ta vie. Tu étouffes entre quatre murs. Tu n’as plus assez d’espace pour disparaître.

Comment écrire le ciel dans l’écran du portable éteint. Comment écrire ce qui passe persuadé qu’il ne se passe absolument rien. Comment écrire lassé, assis sur la chaise, les pieds sur le pavé comme enlisé dans du sable mouvant. Comment écrire comme j’inspire, expire. Comment écrire l’angoisse qui m’assaille. Comment écrire sans raison d’écrire, pas même pour passer le temps, comment écrire ce que j’ignore du geste d’écrire, comment écrire, sans fiction, sans livre à venir. Comment écrire le peu des choses, du temps. Comment écrire sans propos, presque sans mots, car ce ne sont pas des mots, mais des bouts de visages, de rues, de jambes, de main, de métal, de bois, d’inox, de verre, de glace, de vitres, de pierre… Ma chair pue le béton frais. Hier je me suis par mégarde ouvert les veines et du ciment coulait. Comment écrire le sang gris, comment faire des phrases avec du goudron dans la bouche…

(… non, autant abandonner, c’est sans issue.)

Tu écris tard dans la nuit, tous feux éteints. Tu es perpétuellement irrésolu, mais tu veux croire aux présences. On écrit toujours, un peu, du côté des morts. Tu leur parles. Tu leur parles sans cesse pour les maintenir en vie. C’est comme raconter une histoire à l’enfant pour le tenir éveillé. Le corps à la dérive de la nuit, ton identité devient incertaine. Quelque chose te fait signe, qui grandit dans le noir. Laisse passer la source. Laisse venir l’imprévisible. Laisse ouverte la possibilité d’une félicité.

Délaisser le centre. Se retirer au plus secret, au plus silencieux. Parler depuis l’écart de la nuit. Tu ne sors plus de ton état somnambulique. L’obscurité est complète dans l’appartement. Quelque chose se desserre, dans la poitrine et dans le ventre. Des galeries se creusent dans l’opaque intérieur. Et toi tu rampes au-dedans, et c’est presque doux. Cherche ce qui se murmure, ce qui se tente. Ne retiens plus ton souffle. Ton corps s’emplira d’invisible. D’étranges phrases te viennent dans le demi-sommeil. Tu aides à les faire croître, lentement, comme une glycine qui n’en finit pas de grandir jusqu’à envahir tout l’espace de la chambre. Tu t’inventes une autre réalité avec l’écran du langage.  Les choses se changent en ombres. Tes proches deviennent des figures de rêve. Simon, L, Sarah, Léo, Chloé, Samuel, David… tous ces drôles de personnages qui remuent sous tes côtes, dans les replis de ton cerveau. Creuse l’écart, creuse la nuit. Fouille la terre avec les doigts, ressuscite la matière enfouie. Même quand tes phrases grincent, quand elles te résistent et te tordent l’esprit, ne cherche pas à éliminer les scories. C’est l’étrangeté qu’on recherche. La beauté est dans cette indistinction. Poursuis dans le peu, poursuis dans le noir, mets tous tes nerfs dedans. Tes rêves prendront peu à peu le pas sur la réalité. Tu as tant besoin de fiction pour porter les choses au plus loin.

Texte : Anh Mat et Gwen Denieul

Vidéo : Anh Mat

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instantané #5 « le corps et la pensée livrés »

23 vendredi Juil 2021

Posted by ykouton in Anh Mat

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Toute contemplation mène à un paysage hanté. La fenêtre est entrouverte. L’air te fait le plus grand mal. Sentiment qu’il cherche à t’aspirer dans la lave. Le soleil est déjà bas. La journée en a bientôt fini de hurler. Tu redoutes encore plus la nuit qui vient.

Tu ne trouveras pas le sommeil avant quatre heures du matin. Tu n’essaieras même pas de fermer les yeux. Tu préfèreras attendre que les paupières tombent d’épuisement. Ton insomnie n’est que pur mensonge puisque tu ne la subis pas. Tu procrastines volontairement le moment de t’endormir. Tu fais tout pour rester éveillé. Tu lis, écris, filme, enfermé, on dirait que tu as peur du temps passé sans toi.

C’est peut-être pour ça que ton visage ne vieillit pas. Depuis plus de vingt ans, tu ne vis pas une succession de jours ni d’années. Non : tu vis le même jour depuis des années, tu vis du battement des secondes qui ne cessent de se répéter, le corps et la pensée livrés à une intrigue… inépuisable.

Texte/Vidéo : Anh Mat

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Dans cette nuit à l’avant du jour

20 dimanche Sep 2020

Posted by ykouton in Anh Mat, Gwen Denieul, Marine Riguet

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Au commencement de la nuit est le mot. Tu en cherches un. Tu n’en trouves aucun. Rien ne commence. Lassitude de n’être plus qu’une succession de soupirs. Les minutes passent, amnésiques, elles ne racontent rien. Tout est sec. Chaque souvenir débouche sur un désert. Où s’est cachée ton histoire ? Dans quel quartier à l’intérieur ? Tu cherches à revenir sur tes pas mais tes empreintes ont disparu. La bouche ouverte sur un trou, tu décides de suivre celles d’un inconnu, un inconnu peut-être déjà mort…

Dans l’envers de la ville, je remonte le temps. L’alcool me rend le passé tout proche. Strasbourg – Saint-Denis, Château d’Eau, Gare de l’Est. Les différentes époques de ma vie me font signe. Le temps a une beauté froide. Barbès, Anvers, Pigalle. J’arrive dans le quartier des premières blessures. Je marche très amoché sous le masque. Ma malédiction, je la porte au visage depuis l’enfance. C’est la marque des bêtes infirmes de naissance qui passent leur vie terrées dans les fourrés. Les autres condamnés, je les repère d’emblée. Comme moi, ils sont défigurés de l’intérieur. Les fils sans père se reconnaissent d’instinct.

Flux sinueux des solitaires à la sortie du métro Pigalle. Promeneurs fiévreux, fêtards désœuvrés, fantômes entre deux âges. Des flots et des flots de langueur et d’espoir. Comme eux, je cherche un lieu. Je cherche un lieu sans désir bien défini de le trouver. Les mains nouées dans les poches de mon manteau, je tourne autour de ce que j’ai oublié. Dans l’atmosphère, une sorte de menace, et dedans la tête, quelque chose de fatal, de tendu à l’extrême. La mémoire se met en marche d’elle-même. Je suis de nouveau ce jeune garçon abandonné dans la nuit. En silence, comme un chat, je m’approche de mes monstres. Dessous en vinyle, cuir et latex, la tête prend un coup de chaud devant les vitrines aux mille gadgets de carnaval. Ces cases de soi-même qu’on préférerait oublier… Je changerais tout si je pouvais, je vous jure, j’aurais préféré une vie simple et droite.

 

Ça rit comme avant les dimanches au loin les clochers 

Et les draps qui claquent tout près des fleurs sauvages

Mais ici, sans draps sans corde à linge sans bosquets

Les églises enchevêtrées aux grues qui tissent à tour de bras des pièces vides

 

Ça rit

Ça rit comme ça recommence

comme les jambes qui s’acharnent encore contre la ville

À bout de lumière et de béton

Même si plus personne ne nous porte sur ses épaules

pour traverser la rue comme avant la rivière qui nous donnait un nom

 

La ville s’assombrit, un néon après l’autre. Si on tend bien l’oreille, on peut désormais distinguer le silence. Et pourtant, tu soupçonnes la présence de nombreux témoins derrière. Peuplent-ils les murs ? Même seul en scène, il y a comme un mouvement de foule en coulisse, des murmures qui semblent souffler le texte à écrire…

M’éloignant des boulevards, j’erre dans les ruelles les plus sombres et les plus crasseuses de la ville. Quantité de morts sous mes pas. Bouffées de réminiscences qui vont finir par me rendre barge. Tout ce que j’ai aimé, tout ce que j’ai touché. La somme de mes gestes, les erreurs de mes doigts. Le passé est une maladie qui ronge. Tout au fond de l’ombre, le commerce caché bat son plein. Je connais par cœur ces palais de reflets dont l’escalier central, derrière le guichet vitré, s’enfonce dans le sous-sol. Tout en bas, enfermées dans de grands aquariums, les filles étourdies d’alcool miment les exaltations véritables, tandis que des fantômes respectables, égarés dans l’ombre des cabines, gigotent en silence. Fatigue des visages.

 

Les voix, éclats luisant dans les passages

Miment les glycines

Elles empruntent la joie

qui se coupe entre les lampadaires, se vend se troque sans être vu

Le temps de remouler un visage

 

Ça rit comme : c’est encore là

Dans cette nuit à l’avant du jour

Où l’on marche 

dans ce temps que le jour met à venir

c’est encore là

Tout ce qui nous ressemble mais ne sait pas me reconnaître

Les odeurs intermittentes, les façades aux reflets de carton

Et le sol sous les talons qui fait plateau de théâtre

Sans mémoire de forme

Le son mat

 

Je n’ai rien à imprimer

je suis l’ombre ambulante du monde que je porte

Et que j’ébruite encore un peu sur les vitrines éteintes

Tout ce qu’on raconte sous ce qui vient

Tout ce qu’on retient en marchant

la ville le recommence

sous ses néons de scène, on rejoue

un instant

Les jours, les jardins, les disparus de la maison natale

C’est encore là

Dans les rues

On joue

On joue à faire forêt avec nos vaincus

à prendre pour peuple les souvenirs dressés à hauteur de grue

Leurs troncs titans, leurs branches

Élargissant la nuit

 

Mes pas sonnent creux dans les rues désertes. Vertige de la marche le ventre vide. L’insomnie bouscule tout dans ma tête. Je marche longtemps, longtemps pour épuiser mon amertume, je marche jusqu’à m’en faire trembler les jambes. La rue semble vaciller. Des bouts d’idées comme rêves. Ce qu’il faudrait faire, comment il faudrait vivre… Simplement être, à peine visible aux autres. Les idées folles qui nous traversent. Nos êtres comme vent. J’avance dans la nuit désorientée sans nulle place où habiter. Je m’égare dans les rues mortes pour ne plus jamais dormir…

Ne plus jamais dormir… plus jamais, préférer t’engouffrer dans une phrase dont tu ne reviendras pas. Malgré le risque tu t’y jettes, à l’aveugle, la main devant toi, à la recherche d’une voix à adresser aux morts. De ta bouche ne sort qu’un souffle inaudible. Le mutisme te condamne à la nuit blanche, malgré la fatigue accumulée, les cernes pleines de rêves en latence, la nuit lutte de toutes ses forces contre ton sommeil, elle règne sur ta conscience, force les confidences, révèle tes secrets. La nuit se souvient des rues, des noms, des paroles, des regards, des gestes — toute son obscurité te compromet.

J’ai besoin de la nuit pour voir. Le jour, tout est tellement là que mes yeux ne voient rien. L’alcool m’aide aussi, il creuse chaque détail. Je reste longtemps assis sur le banc de la petite place. Tandis que la ville continue, je m’absorbe dans la contemplation de l’infime, au ras du réel, à même sa peau. Les minutes passent. Fragilité des formes qui m’entourent dans le brouillard nocturne. L’extérieur s’incorpore doucement en moi. Peu à peu, l’habituel se révèle insolite : coups de frein sur la route, passage piéton à demi-effacé, éclats de verre de l’abribus, canettes vides, mégots écrasés… Je reste là dans le calme. Je respire lentement, profondément. Ma chemise est trempée de sueur, serrée sur ma peau, mais la fièvre est retombée. Dans la brume et dans le noir, je suis relié à toute chose au hasard du corps. Désir fou de ce que je suis en train de voir et de sentir, ici, maintenant. Je n’invente rien. Tout est là, devant moi. Le réel palpite dur à chaque instant.

 

Je vous vois

Je suis encore un peu de la terre des vergers

qui vous porte parmi les rires et les ombres

Et le reflet d’un soleil ancien sous lequel vous poussez

Je marche, la nuit croît

Il est si tôt pourtant

Trop tôt pour s’arrêter

 

Les coqs de combat commencent à chanter. Il est temps de se battre. L’écran est noir. L’insomnie meurt à la lumière du jour. Tu arrives au bout de l’épreuve avec un sentiment d’inachevé. Il reste bien quelques aveux. Qu’importe, l’aube efface déjà tout. La nuit brûle… et tu ne fais rien pour arrêter l’incendie.

Dans l’aube fraîche, reflets mobiles comme des frissons, détails au-delà du fixe, dans les intervalles, éclairs de presque rien. Un monde neuf apparaît à la surface tremblante des choses. Une brise légère fait danser la poussière du décor. Un sac plastique au milieu du carrefour joue avec le vent. Le ciel change. La lumière revient.

 

Texte/Vidéo : Anh Mat – Gwen Denieul – Marine Riguet

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Instantané #5 «passer à côté du monde»

11 vendredi Sep 2020

Posted by ykouton in Anh Mat

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L’éclat du soleil me dévisage. Virage à droite, tout droit. Jusqu’à la fin du trajet. Toujours le même. Ce même trajet jamais pareil. Combien de fois l’ai-je pris ? Je commence un calcul absurde. Puis j’abandonne à la vue du fleuve. Ici les bateaux ont des yeux. On leur peint des yeux oui. Tous portent le désir d’un départ. Vers un destin que j’ignore. Je rêve d’yeux camera, d’oreilles enregistreuses, de phrases écrites à la seconde où elles jaillissent dans la pensée. Parce-que combien de ciels, de scènes, de postures, de voix, de lignes, de couleurs, d’instants ratés. Ratés pour toujours. Je suis des milliers de notes jamais écrites, d’images jamais saisies. Je pense toujours m’arrêter ici ou là, faire un détour, cinq minutes suffiraient. Mais je remets à plus tard. Ne m’arrête jamais. Qu’est-ce qui me presse autant ? Pourquoi je me laisse ainsi passer à côté du monde ?

Texte/Vidéo : Anh Mat

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si je viens à votre rencontre

25 mardi Août 2020

Posted by ykouton in Anh Mat, Marine Riguet

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— Si je viens à votre rencontre au beau milieu de la nuit, c’est pour en finir… non comme on en finit avec un livre, mais comme on en finit avec quelqu’un. Avant même de vous rencontrer, je vous imagine ainsi, tel que je ne vous connais pas. Veuillez m’excuser mais je ne sais plus tutoyer. J’ai cette névrose de penser que le vouvoiement permet de murmurer plus décemment ce que nous pouvons peut-être « partager », partager le vital désir de partager (Jabès)

— Je ne sais pourquoi, j’appréhende chacun des mots que je veux vous adresser. C’est justement cette peur qui me donne le courage de m’adresser à vous cette nuit. J’ai d’abord pensé m’en remettre au secret, ne plus dire, plus jamais, à personne, que j’écris… parce-que j’écris. Comme vous. J’écris dans le néant depuis une vingtaine d’années maintenant. Ça n’a mené nulle part. L’écriture n’est pas censée mener quelque-part. Mais aujourd’hui je suis encore plus perdu, au fond du tunnel des phrases duquel je ne vois pas le bout… il fait si noir. Ce soir votre tunnel croise le mien, ça arrive parfois. C’est rare qu’un autre apparaisse, et incarne l’absence de frère humain, l’absence de Dieu…

— Un jour sans lendemain, ma voix disparaîtra subitement, d’un claquement de main, peu m’importe quand, sous les yeux de celui devenu, qu’il le veuille ou non, mon seul témoin. Vous. Vous seule trouvez assez de temps perdu pour échouer sur le sable gris-cendre de mes nuits. Vous seule me faites l’amitié d’un instant de lire à contretemps, dans un autre présent, la présence de ces lignes blanches et sans sujet. Quelle que soit ma personne, mon personnage, mon nom, j’ai la certitude d’avoir quelque part, là-bas, à quelques pas de moi, une sœur de sang noir, celle d’une encre sans visage que jamais je ne rencontrerai.

— Vous savez de moi ce que vous ignorez. Ainsi, puisque nous nous devons dans nos travaux d’écriture publiés, d’effacer notre nom, décharger notre pronom de notre insupportable moi, user de la fiction pour à la fois se dire et s »échapper de ce « dit », j’espère qu’ici, nous pourrons, l’un comme l’autre, sans culpabilité aucune, nous livrer à partir d’un « Je » le moins fictif possible, un « Je » qui se rapprocherait de celui de la parole, sauf qu’ici nous ne parlons pas.

Est-ce vous Est-ce vous qui se rencontre lorsque je marche en moi – loin – si loin que la nuit se dévêt elle aussi de toutes ses formes humaines, de toutes ses voix, jusqu’à n’être plus qu’un halètement chaud, lent, que je traîne en bête. Est-ce vous que j’entends, parfois, aveugle, quand plus rien d’autre n’entre depuis longtemps, mais que ça craque, furtivement, comme le souvenir d’un pas quelque part, entre tous mes visages recouverts d’un drap ? La présence qui advient après l’arrêt de l’attente, dans le silence sorti du silence, presque par accident, la présence d’un monde qui perdure, qui s’entête : C’est vous.

Je ne sais pas parler. Ne m’en voulez pas. Je suis faute de parole. J’écris comme compter des murs dont on se remémore les greniers. C’est un inventaire maladroit. Ça ne laisse pas beaucoup de place. Pour croire, croire qu’il peut y avoir quelqu’un. On oublie. Soi, l’autre, peu importe, au même endroit. J’ai oublié. Vous dites-vous. Vous… celle que vous appelez ainsi m’est inconnue. Mais c’est un lieu n’est-ce pas, ce Vous où nous sommes. Vous et moi. Cette même nuit qui nous apprend à voir, qui nous accommode, là où les jours passent sans plus s’ouvrir ni se clore. Peut-être, lorsque nous saurons, lorsque nous parviendrons totalement à voir, n’aurons-nous plus besoin de mots du tout. Peut-être la nuit nous apprend-elle à nous taire. Peut-être écrivons-nous pour cela. Nous acheminons-nous.

 

Texte/Vidéo : Marine Riguet & Anh Mat

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