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Intense masturbation de caillou. Les pierres éjaculent des messes noires, charbon juteux sous l’âtre. Tu ne bagues aucune rivière dans le goulet de tes doigts. C’est pareil des branlées de sentiments. Tu pries comme on achète des ronds dans l’eau pour pêcher à la ligne. Tu écris comme on roupille, on rumeur, on panique. La vie a des airs de chatte mal poilue, d’hameçon fait des brins ficelés de ton dernier rêve. La douleur n’est même pas une couleur, c’est un fil à un bouchon captif.

Tu es la mauvaise conscience du réverbère, une épingle dans le cortex du ciel. Élastique ton petit pouls saute oscillant sur des larsens et des décibels aveugles essaimant le bal et tes désordres. Une rame après l’autre à la pioche de l’eau, tu te crois apte à hisser le soleil. Les tiroirs de la mémoire ont l’air de coller à la transparence.

Alors, tu choisis la pierre. La compaction de la terre, la terminaison nerveuse de l’aride. Le caillou, planète morte enfermant ses fleurs, ses forêts, ses mouches au plus simple. La pierre qui n’est pas la base mais l’ultime état. Résidence désormais d’une unique vie, une onde, le magnétique silence de l’univers.

Tu choisis la pierre, le bloc sédimentaire. La compression de feu jetée dans le gel. Volcanique. Mais peut-être est-ce elle qui consent ?

On est tous une montagne d’os et d’ancêtres. Certains comme toi portent en eux le minerai d’histoires. De ce monde la pierre est le rejet, la part triée de la vie. Et ça devient éternel, l’immensément rien en devenir. Toi, dur aussi, fermé. Toi, cendres et sables des êtres que tu fus.

Oui peut-être, la pierre te choisit pour y graver ses traits.

Tu dois ouvrir le galet jusqu’au sable et attendre que l’eau simple caresse l’inutile. Un sable dans le port n’est que ballast de légèreté.

Rester suspendu aux lèvres de ce creux, une onde parle au fond de toi. Le bruit du caillou dans le puits, le bruit de l’eau qui reçoit le caillou, le bruit de l’éloignement du bruit. La dissolution, la dispersion et le ravage tranquille du silence.

Baisser le son. Très lointain murmure. Mettre ainsi l’ailleurs en scène. Là-bas, dont tu ne saisis ni le message, ni le souffle. Malgré tout une vibration.

Prêter l’oreille, et pour cela fermer les yeux. Fermer le flou des yeux, le tremblement de cils qui fausse l’ouïe et te dérange, captant des choses sans importance. Amoindrir le geste, le rendre quasi nul. Tout cela et écouter.

Ramener ensuite ton filet vers la berge. Malgré tout une vibration.

Alors une image vient, comme un chuchotement. Onde qui se donne visage, ondulant sur la surface de l’eau. Figure traversée par les frises. Tu articules des sons encore inaudibles. Descendre encore. Percevoir bientôt dans la profondeur de cette béance, l’articulation secrète. Quelques mots qui s’échappent.

Je sens une légère crispation. La mâchoire n’a pas toujours un levier à aube pour s’ouvrir. J’aimerais avoir sur la table d’autres constellations que des miettes. Je déplace les restes, m’amuse à en façonner des paysages. Le dessin blanc variable comme une perdrix dont on m’a dit qu’elle fond avec la neige. Des arbres aux ongles courts portent le ciel. Quelle robe revêtir pour aller à la prière jointe de l’œil et du rêve. Des pétales comme une tombée de sucre. Remuer la candeur. Battre en neige psychoses et merveilles. Je dénoyaute la lumière. Et découpe en pointes les huit de l’infini

Je suis la copiste des secousses telluriques. Furie ordinaire. Amazone au mors. À l’amour mixé permutable. Chaque lot d’oracles réactive les absences. Le sol où je songeais tomber.

 

On a enterré au milieu des mottes d’amour, l’inconnu, sa tente éternelle dans un coin si perdu qu’il faudrait passer par tous les Graal pour la trouver. Un grand ciel, des oliviers, un chat pelé et dans cette rase campagne, son cri jaune soleil. Personne. C’est ma foi aussi un destin que de mourir sur l’ailleurs. Site remarquable à l’inventaire de l’amour.

Patine crème le temps. Mains et lignes de magnésie, coke frénétique à blanchir les nuits et les malentendus. Plein régime d’efforts pour cajoler les chaux vives, les précipités de banquise à la fonte. Ça urge sur les brûlures. J’ai le temps à user. Longue nuit à la lime. Avec son libellé de rouille blanche sur les doigts. L’hiver couvera des bateaux. Ou alors des passagers. La lumière déjà se dénude. Striptease aux hanches d’hermine.

 

Si je dois emporter, faire que ce soit le rien du vent. Tout se fait à la petite semelle. J’ai effacé les portes.

Texte : Anna Jouy

Illustration : https://fr.dreamstime.com/photo-stock-puits-d-eau-d%C3%A9sert-du-sahara-image62208821