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peau

Soudain, la chevelure imperceptible semble grandir et pousser. On la sent se balancer, les racines blanches et leur neige neuve fondre lentement et cette vague humide embrasse les pensées les unes après les autres comme des vahinés nous couronnant de fleurs.

Soudain, dans la nuque interdite, le chenal sec et glacé, semble sourdre d’une foule de pétales et de rosée. Une levaison de source, comme une germination d’éponges.

Soudain, au cou, des petites gouttes. On les sent invisibles poindre maintenant leurs anémones. Éclore leurs épingles à la surface. Un œil dort dans chaque larme.

Soudain, dans les salières creuses, comme des petites marmites glacières, des conques sur les chemins des cascades, une eau discrète et frissonnante s’arrête et tourne un peu, une danse impromptue et puis une goutte une goutte une goutte.

Soudain, dans le ravin de la gorge, dans ce chenal fendu entre, se met à glisser d’une fonte lointaine, la fontaine, un transparent ruisseau qui rigole, et les seins tremblent et s’inquiètent. Le plus doux souffle les alerte et voilà que débuterait une autre saison?

Soudain le dos s’envague et s’étire, et les pliures du ventre s’emplissent, humides et vasières Une eau plus chaude envahissante, suinte sous la main, un duvet de suée, une buée de chair.

Soudain dans l’aine, s’infiltrent des filets de tulles, l’eau nuageuse, et glisse à peine l’ouate moite d’une étrange barque.

Soudain alors, comme allumé, comme enflammé au fond du ventre caverneux, un lac entier et plein et fort et pur attend et s’affole ;  que la chair retient, entre des lianes tressées de silences et de secrets. Et monte et bout et tourne et se lève. On ne sait exactement de quels lieux, il provient et s’assemble, comment il s’entasse et s’empile et s’enforge. On ne sait comment il en appelle à toutes les vapeurs, les délicates humeurs du corps, de là-haut jusqu’à celles qui scellent les pas, comment il tire à lui toute l’eau et l’assemble et l’unit. Comment il en vient à grandir et enfler comment il attend puissant et imprévisible que le corps défaille et le libère. Comment et dans quelle sombre poche, monte la nappe phréatique de ses ondes. Comment celle-ci vient, attirée, aspirée quand les poumons appellent le plus d’air et que le cœur pompe le rythme à la détraque. Comment soudain alors que tout jusque-là obéissait et suivait le flux ordinaire du sang et des vaisseaux, comment tout soudain désobéit et désarme, comment le corps, une cité entière se laisse noyer, laver et déporter, se déversant, lavant les mains des hommes et l’âme femme.

 

Texte : Anna Jouy