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La suivant dans la rue on la voyait petite, fragile… en se rapprochant mais pas aussi vite qu’on l’aurait pensé, car finalement elle marchait d’un bon petit pas, on se disait : non, pas si fragile, on admirait sa détermination, on la sentait petit bloc de volonté, un peu usée mais ne voulant pas le reconnaître…

Tête baissée, courbée vers sa destination, elle avançait. Et curieusement, discrètement, elle s’imposait à votre attention.

Il y avait la simplicité et le pragmatisme de sa tenue, le rouge pimpant du sac sans façon, presque un cartable,

il y avait un souvenir de désinvolture dans la main enfoncée dans une poche, accentuant le mouvement de la marche, même si, sans doute, c’était surtout un appui moral,

il y avait la grâce d’une cheville fine..

Quand on la rencontrait on était frappé par ce visage qui, chair et rides, s’effaçait, n’était plus que support pour les deux yeux un peu rouges, passés, usés, et pourtant si vifs au dessus de la grande fente fripée de la bouche. Et on si disait qu’elle avait dû être très belle. Il restait parfois dans ses gestes, ses attitudes le souvenir, un peu tordu, évanescent, d’une jeune femme gracieuse mais si naturellement réservée que certains la disaient altière.

Elle restait un peu en dehors de la conversation, on sentait parfois qu’elle s’en absentait, mais lorsque son attention revenait vers le groupe assemblé elle semblait surplomber un peu les échanges, sans peser, comme un témoin bienveillant, lucide et muet.

On était surpris, quand elle prenait la parole, par la raucité de sa voix faible, un peu essouflée, comme venant de très loin, au lieu de la petite voix flutée que l’on attendait.

Et ses proches tentaient, faute de témoins survivants, de l’imaginer en son jeune temps que la légende disait avoir été assez agité, sans qu’on en sache davantage.

Ce qui explique leur déception soulagée lorsque l’on trouva, dans un coffre, son intarrissable journal intime… et guère plus.

Texte et image : Brigitte Celerier