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pour ce serait - un dialogue

– Je suis à votre porte,

Messieurs, mon enfant a froid,

le tiens blotti contre moi,

entouré de mon voile,

mais c’est tissu trop léger,

et c’est inutilement

que je m’expose aux regards

qui glissent réprobateurs,

un peu, en passant, sur nous.

Je ne voudrais quémander,

mais pour lui je le ferai.

Voyez le, il est si beau,

si frêle, si démuni,

si lumineux quand sourit.

Si pouviez : juste un coupon,

un petit, chaud et laineux,

vêtement lui en ferai.

La fille chantait, doigts immobiles sur sa guitare, d’une voix haute et froide comme du cristal, un peu craintive, avec de brusques ruées presque jusqu’au cri, venant un peu au hasard sur inutilement ou frêle, ce qui ne laissaient de surprendre.

Elle a souri triomphalement, puis s’est penchée sur sa guitare, comme si elle se souvenait de son existence, et a commencé à tapoter la caisse, pendant que les gars, un pas en avant, un pas en arrière, un accord, guitares et voix, prenaient le relai

– Des linges nous en avons

mais, belle, sont bien trop chers

pour toi ou pour ton enfant,

d’ailleurs ne conviendraient pas

Ils sont pour des chairs douces,

tendres, comme la sienne,

mais sont bien trop fragiles,

oui trop, pour cet usage.

Charitablement, belle,

te conseillons, va plus loin,

au quartier populaire

tu dois trouver une aide,

un secours plus fraternel,

étoffes plus adaptées,

et peut-être du travail

pour les gagner, oui belle

passe ton chemin, va-t-en.

Et comme ceci est un peu neuneu, on dirait que la belle a calé le gosse sur sa hanche, et qu’elle s’en est allée après avoir tiré la langue aux marchands, faisant claquer ses pieds nus sur les dalles et chantonnant

– be cursed, you

sois malditos

siate damnato

blesmetat sã fil

maledictionis

akw en ixdaâ rebbi

soyez maudits

fools, tontos, sciocchi, prosti, stulti, abuhali, crétins…

be cursed , you

 

Texte : Brigitte Celerier